🧀 Nutriscore V2 : Le gras, c’est la vie (du Haut-Doubs)

Et tant pis pour le Nutriscore et les collets serrés

Pourquoi mon soda light a un moins bon Nutriscore qu’avant ?

Vous l’avez bien dans les oreilles, ce message informatif du Ministère de la Santé !

Dans la famille des attaques perfides contre l’identité haut-doubienne, nous demandons le Nutriscore nouvelle formule. Un jeu de couleurs prétendument neutre, refait en douce par des diététiciens de salon, qui s’attaque cette fois au cœur de notre civilisation montagnarde : le gras. Celui qui nous fait tenir l’hiver. Celui qui nous réchauffe mieux que les panneaux photovoltaïques. Celui qui suinte de nos assiettes comme la sève d’un sapin sous pression.

Soyons clairs : ce Nutriscore bidouillé vient de faire basculer notre patrimoine alimentaire tout entier dans le camp des aliments “à consommer avec modération”, voire “à bannir en cas de vie sociale active”.

Le Comté vieux ? Trop salé. La saucisse de Morteau ? Trop grasse. La cancoillotte ? Trop douteuse (selon eux). La fondue moitié-moitié version Haut-Doubs ? Un attentat lipidique.

Résultat : notre terroir se retrouve classé zone rouge sur le plan nutritionnel, entre le cassoulet de conserve et les nuggets bas de gamme.

Le Nutriscore ou l’art d’humilier les régions qui mangent

Le nouveau système d’évaluation s’acharne sur tout ce qui a un goût. Car c’est bien ça, le fond de l’affaire : le goût est devenu suspect. Un aliment doit désormais être lisse, pâle, léger, fermenté au kéfir de pois chiches et garanti sans émotion. Bref, tout ce que le Haut-Doubs rejette depuis toujours.

Ici, on ne mange pas pour se purifier. On mange pour affronter le givre, ramer dans la neige, tenir un marché à -12°C, vivre 6 mois par an sans voir un seul légume frais, et se souvenir qu’on est vivant. Notre cuisine est faite de beurre fondu, de fumée dense, de croûte gratinée, de pâte pressée, de pain rassis trempé dans l’alcool. Ce n’est pas un repas, c’est un combat.

Et maintenant, les autorités veulent nous coller des lettres de l’alphabet colorées sur nos saucissons ? À quand le Nutriscore sur les enterrements de vie de garçon ou les assemblées générales de copropriété ?

Riposte culinaire à Frasne et ailleurs

Heureusement, le terrain résiste. À Frasne, une boucherie artisanale a lancé un contre-score maison : le Charcu-Mètre. Plus le produit est classé haut, plus il est fumé, mariné, lardé, saucé, mijoté ou vieilli. Le numéro 1 actuel ? Une terrine au Morbier, pomme-de-terre et noix, servie tiède sur pain grillé au saindoux.

À La Cluse-et-Mijoux, une fromagerie a réintroduit le “beurre de guerre”, version enrichie, vendu en blocs de 500 grammes, avec mention “Interdit aux cyclistes du dimanche”.

Et à Métabief, une initiative citoyenne a proposé de repeindre tous les panneaux d’entrée de ville avec le slogan :
“Zone A (comme Apéro, Andouillette, Amour du gras)”

On ne transige pas avec le cholestérol de terroir

Ceux qui cherchent à remplacer notre régime ancestral par des smoothies de lentilles fermentées ne savent pas ce que c’est que vivre dans le Haut-Doubs. Quand votre chaudière vous lâche fin novembre et que vous devez pelleter votre voiture trois fois par jour pour aller chercher du Comté, vous ne voulez pas d’une salade de quinoa. Vous voulez un gratin. Un vrai. Avec une croûte. Et du gras de chaque côté.

Alors certes, nos plats ne rentrent pas dans les cases du Nutriscore. Mais c’est parce qu’ils n’entrent dans aucune case, comme nos anciens, comme nos forêts, comme nos hivers interminables. Et s’il faut choisir entre un A vert fluo sur une galette de pois cassés et un bon vieux D orange foncé sur une tartine au jambon fumé, nous avons fait notre choix.

Vive le gras libre

Le Haut-Doubs ne changera pas pour un logiciel nutritionnel. On continuera à tartiner, à fondre, à fricasser, à rôtir, à gratiner et à beurrer. Non pas par inconscience, mais par fidélité à une manière d’être au monde. Car ici, le gras n’est pas un excès, c’est une politesse envers la vie rude.

Et pendant qu’ils classent nos aliments comme des paquets suspects, nous, on se ressert une tranche de saucisse, en regardant tomber les premiers flocons de juillet.

Vous aussi, votre Mont d’Or est passé en zone rouge ? Votre saucisse se fait humilier par un yaourt au soja ?

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