Encore ce fichu passage à niveau
La Cluse et Mijoux – 21h37. Les voitures s’accumulent, les moteurs grondent, et les nerfs fondent plus vite qu’un sandwich SNCF au soleil. Depuis plus d’une heure, le passage à niveau de La Cluse et Mijoux refuse encore obstinément de se relever. Les frontaliers, eux, refusent obstinément de rester calmes.
Une situation devenue tristement rituelle
C’est un mercredi comme les autres. Ou presque. Depuis 21h30, les barrières du passage à niveau de La Cluse, telles deux bras mécaniques fatigués par des années de va-et-vient, sont restées coincées en position basse. Aucun train en vue. Aucun agent non plus. Juste des automobilistes excédés, des feux de détresse en série, et une ambiance de bouchon post-apocalyptique sauce Haut-Doubs.
« J’viens de passer 11h à bosser à Lausanne, j’ai plus de batterie, plus de patience, et j’ai faim. Qu’ils viennent me chercher en hélico, j’bouge plus »,
Florent, frontalier de Chaffois, coincé au volant de son X3 depuis 21h43.
La gestion du stress, version Haut-Doubs
Le premier réflexe, classique, c’est l’attente. Puis viennent les appels à la gendarmerie. Puis la rumeur : « Y a un gars qui aurait vu un feu arrière de train à Labergement ». À 22h15, on assiste au premier demi-tour sauvage sur ligne blanche. À 22h27, un monospace suisse tente le passage par le trottoir, suivi de près par une Citroën qui s’ensable dans le talus.
Une vieille dame avec un chien lance :
« C’est toujours pareil. Quand y a pas les vaches, c’est les barrières. Le Doubs, c’est un test de patience permanent. »
SNCF Réseau : “Nous sommes au courant”
Contactée par nos soins (et par 47 automobilistes en simultané), SNCF Réseau indique :
« Nous sommes conscients de la situation. Une équipe est en route. Nous priorisons la sécurité. Veuillez ne pas franchir les barrières. »
Traduction pour les locaux : on va attendre encore.
Il est 22h30. Le “bouchon de La Cluse” fait désormais 1,4 km côté Les Hôpitaux-Neufs, et 2 mètres côté Pontarlier. Des familles se passent des barres de céréales par les fenêtres. Un enfant pleure doucement en demandant s’il va dormir dans la voiture “comme dans les films”. Un Dobermann hurle à la lune.
Et pendant ce temps, aucun train
La grande ironie de cette comédie comtoise, c’est qu’aucun train ne passe. Rien. Pas même un TER vide pour justifier l’abaissement de ces satanées barrières. Il paraît qu’un convoi fret aurait été annulé. Mais la barrière, elle, ne lit pas ses mails.
« J’me demande si c’est pas automatique leur truc. Genre si un hérisson traverse à 30 bornes, ça bloque tout pendant 3 heures. »
Propos glissés par Jordan, un jeune frontalier, casque sur les oreilles, regard vide, l’air d’avoir déjà tout perdu. Nous le remercions pour la référence au hérisson que nous citions hier et qui avait beaucoup fait réagir.

Un rituel du soir qui fait désormais partie du folklore
Le passage à niveau de La Cluse, c’est un peu notre tour Eiffel à nous, mais version sadomaso et sans les illuminations. On y passe, on s’y énerve, on y vieillit. Chaque semaine, le même sketch. Et pourtant, personne n’a encore organisé de pétition, de flashmob, ou de rituel vaudou.
Faisons un peu de science fiction.
À 23h72, les barrières finissent par se lever. Lentement. Presque à contrecœur. Les moteurs rugissent. Les véhicules redémarrent dans un ballet chaotique, où s’entremêlent coups de klaxon, insultes et soupirs de soulagement.
Demain, on recommencera
On le sait tous. Ce n’est pas la dernière fois. Le passage à niveau de La Cluse est un oracle moderne : il annonce la fatigue du territoire, l’abandon des petites lignes, l’absurdité des automatismes.
Mais il unit aussi les Doubistes, le temps d’un bouchon, d’un partage de madeleines, d’un râle collectif. C’est peut-être ça, le vrai train de vie local : un peu lent, souvent bloqué, mais indiscutablement solidaire.
Vous êtes géniaux ! J’adore votre humour. Je vous envoie mes meilleures ondes.
Hâte de lire vos articles sur les élections municipales à Pontarlier, ça promet d’être croustillant
Merci.
Rassurez-vous, nous serons staffés en conséquence pour les municipales. Notre secteur est vaste, il y aura plein de scrutins, mais nous serons sur le coup. A Pont et partout ailleurs où l’attention du public le méritera.
On dit merci à chatgpt maintenant pour les articles de l’Ouest républicain ?
Sur certains points, il faut savoir vivre avec son temps 😉
😢
Hâte de lire la suite demain
On va espérer qu’aujourd’hui tout revienne à la normale au passage à niveau de La Cluse.
Bonjour, je me suis surpris à lire l’article jusqu’au bout ! il est écrit de façon réaliste et humouristique et faisant appel à la fantaisie du lecteur ! Sympa comme essai !
l’actualité passe en deuxiéme point pour dire juste oui c’est le bordel ! mais ca ne donne pas le droit de rouler comme des bobets quand çà roule ….. ca donne pas envie de plaindre le frontalier ni de l’aider ! prenez soin vous et rouler cool c’est prendre soin de tous !
Bonjour David,
Vous avez tout compris au but poursuivi, et nous vous remercions pour vos conseils de bon sens.
Bon week-end