Besançon, TĂ©hĂ©ran â Lâaffaire aurait pu prĂȘter Ă sourire si elle nâĂ©tait pas dramatique : un jeune cycliste bisontin, Lennart Monterlos, parti pour un voyage au long cours, n’avait plus donnĂ© signe de vie depuis le 16 juin, alors qu’il se trouvait en Iran.
DâaprĂšs les autoritĂ©s locales, il aurait Ă©tĂ© interpellĂ© « pour un dĂ©lit », sans plus de prĂ©cisions. En RĂ©publique islamique, câest souvent un mot-code pour dire : il a existĂ© en dehors du cadre prĂ©vu, c’est subversif.
On ignore sâil portait un casque, une barbe rĂ©glementaire, ou sâil a traversĂ© un rond-point du mauvais cĂŽtĂ©. Peut-ĂȘtre a-t-il simplement osĂ© ĂȘtre libre, ce qui, dans certains rĂ©gimes, Ă©quivaut Ă une attaque directe contre lâordre Ă©tabli. En Iran, se promener Ă vĂ©lo, câest dĂ©jĂ affirmer un mouvement â donc une menace. Surtout quand on est jeune, occidental, et probablement trop vivant pour les conservateurs du Mollahistan.
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En Iran, tout est prétexte à la répression
Rappelons que dans ce pays, les femmes nâont officiellement le droit de pĂ©daler que sur des routes invisibles, avec un voile indĂ©chirable et une chaĂźne soigneusement huilĂ©e par le ministĂšre de la Vertu. Quant aux hommes, ils sont libres de circuler, Ă condition de ne jamais aller trop loin. En Iran, on ne fait pas du vĂ©lo pour respirer ou dĂ©couvrir : on pĂ©dale en rond, sous contrĂŽle, ou on ne pĂ©dale pas.
Le rĂ©gime a toujours eu du mal avec les mouvements individuels : courir, danser, aimer, protester, exister â tout ce qui nâest pas procession ou parade dâĂtat est suspect. Alors un cycliste qui traverse le pays pour mieux le regarder, câest une hĂ©rĂ©sie roulante. Un apostat du conformisme Ă deux roues.
Les Mollah, champions toutes catégories du ridicule autoritaire
Pendant ce temps, les ayatollahs, ces arbitres autoproclamĂ©s de la pudeur et de la morale, continuent de transformer leur pays en vaste terrain dâabsurditĂ©. Tout y est codifiĂ©, surveillĂ©, puni. Un brushing peut devenir un crime, un jean trop ajustĂ©, une provocation, un sourire Ă©changĂ©, une atteinte Ă la sĂ©curitĂ© nationale.
La disparition du jeune voyageur nâest pas un accident : câest un symptĂŽme. Celui dâun rĂ©gime qui ne tolĂšre ni la spontanĂ©itĂ©, ni lâĂ©trangetĂ©, ni lâhumain. Et chaque jour qui passe, malgrĂ© la rĂ©silience admirable du peuple autochtone, confirme que la RĂ©publique islamique sâest spĂ©cialisĂ©e dans lâhumiliation et la dĂ©tention arbitraire comme mode de gouvernance.
Nous réitérons notre appel à tous les ressortissants français de ne pas se rendre en Iran.
France Diplomatie
Et dans le Haut-Doubs ?
Chez nous, dans le Haut-Doubs, on peste parfois contre les pistes cyclables jamais dĂ©neigĂ©es, les cailloux sur la route du Larmont, ou les SUV allemands qui frĂŽlent les mollets. Mais jusquâĂ preuve du contraire, on ne finit pas en cellule pour avoir roulĂ© sans sonnette homologuĂ©e. La libertĂ© de circuler Ă vĂ©lo nâest pas une option, câest un droit.
Et ce droit commence Ă se dĂ©fendre lĂ oĂč il est piĂ©tinĂ© : Ă TĂ©hĂ©ran, Ă Kaboul, Ă Damas, et parfois mĂȘme, Ă Paris quand les cyclistes doivent slalomer entre les trottinettes de ministre.
Ce que dit l’Histoire : la roue comme insoumission
Il nâest pas anodin de rappeler que le vĂ©lo a souvent accompagnĂ© les combats pour la libertĂ©.
Pendant lâOccupation, les rĂ©sistants transportaient messages et tracts sur leurs cadres rouillĂ©s.
En cas de chute du messager, un ami sortait de l’ombre Ă sa place.

La petite reine est tellement emblĂ©matique de cette Ă©pisode, que l’histoire est mĂȘme racontĂ©e aux enfants1.
Nous regrettons que pour la rendre accessible au plus grand nombre l’auteur situe l’action Ă Paris, mais nous finirons par nous en accommoder.

Dans bien des dictatures, câest le vĂ©lo qui permet de se dĂ©placer sans ĂȘtre pistĂ© par une plaque minĂ©ralogique ou un GPS. Il est modeste, silencieux, indĂ©pendant. Exactement ce que les tyrans dĂ©testent. Alors lorsquâun voyageur Ă vĂ©lo traverse un territoire sous le joug d’une tyrannie, il nâest pas simplement en train de visiter : il affirme que le monde reste grand, et que les frontiĂšres idĂ©ologiques ne sont pas infranchissables.
Liberté de pédaler, liberté tout court
Le vĂ©lo nâest pas seulement un moyen de transport, câest une philosophie. Câest le droit dâavancer Ă son rythme, de prendre des dĂ©tours, de sâarrĂȘter pour regarder. Câest le contraire dâun Ătat rĂ©pressif. Alors oui, face Ă un rĂ©gime qui emprisonne pour si peu, il faut le dire : si vous aussi, vous pensez quâon devrait pouvoir pĂ©daler librement sans finir au fond dâune geĂŽle, alors enfourchez un vĂ©lo. Ici ou lĂ -bas, câest dĂ©jĂ un acte de rĂ©sistance đČ.