3ème épisode de notre magazine consacré aux vacances estivales.
Pontarlier-Plage ? Tous les étés, la rumeur revient, portée par un vent tiède et un excès de Pont ou d’absinthe : Pontarlier aurait une plage. Une vraie. Avec du sable, des parasols, et des gens en maillot. Certains en parlent comme d’un mirage. D’autres jurent y avoir vu un transat en 2009. La vérité est ailleurs. Et elle sent la vase.
Un projet flou depuis toujours
« Pontarlier-Plage, ça a été évoqué au Conseil municipal en 1969. Puis plus rien. On a ressorti l’idée en 2014, mais on s’est heurtés à un obstacle majeur : on n’a pas la mer. »
La concordance chronologique nous amène à penser « Sous les pavés, la plage » de 1968.
Gérard, ancien élu local et spécialiste du non-aménagement, garde les plans dans un classeur moisi. On y voit un bac à sable de 12 m², trois palmiers en plastique et une guinguette baptisée « Les Algues du Doubs ». Ambitieux à l’époque. Risible aujourd’hui.
On n’a pas non plus de pétrole, ni d’idées. La glorieuse France pompidolienne, en somme.
Mais alors, où est-elle, cette fameuse plage ?
C’est là que les choses se corsent. Certains situent Pontarlier-Plage près du plan d’eau des Granges-Narboz. D’autres évoquent une zone enherbée « aplanie artificiellement » entre deux parkings. Une minorité radicale soutient qu’elle serait invisible aux non-initiés, accessible uniquement par un sentier ésotérique balisé en tongs. Une cartographie participative a été lancée en 2021. Résultat : 17 points différents, dont un dans une sablière privée.
Sable ou pas sable ?
Au niveau du sol, l’analyse est sans appel : on parle plus souvent de caillasse que de sable. En 2019, un élu zélé avait fait livrer une benne de sable de carrière. Il a disparu mystérieusement deux jours plus tard, vraisemblablement emporté par une pluie d’août ou un ramasseur de chats.
Depuis, les seuls grains que l’on foule à Pontarlier sont ceux des terrains de pétanque. Ce qui n’empêche pas certains irréductibles d’y planter leur serviette.
Les autochtones sont partagés
« C’est une légende urbaine, comme la nuit tropicale à Mouthe », plaisante Sandrine, patronne d’un bar local. « Mais y’a bien deux types qui viennent chaque été poser une chaise pliante au bord du Doubs. L’un d’eux a même un seau. Je crois qu’il joue au sable mental. »
D’autres voient dans Pontarlier-Plage un concept plus qu’un lieu.
« C’est une ambiance, une façon de se sentir ailleurs tout en restant ici. Comme quand tu fais un barbecue dans ta cour en écoutant du Julio Iglesias. C’est pas la mer, mais ça sent les vacances. »

La municipalité embarrassée
À la mairie, on parle désormais de « zone de détente estivale en milieu semi-urbain pontissalien« , plutôt que de Pontarlier-plage. Traduction : trois bancs en plastique et un panneau « attention aux guêpes ». Une tentative de partenariat avec la municipalité de Palavas a échouée après que l’ambassadeur doubiste a tenté d’échanger du Comté contre du sable.
Un projet plus réaliste, baptisé « Pontalifornia« , avait même été esquissé, avec transats, jets d’eau recyclés et stand de saucisses froides. Il a été annulé faute de budget et d’enthousiasme.
Et pourtant, on y croit encore
Chaque été, un petit noyau d’optimistes installe des serviettes, gonfle une bouée, et fait semblant. On appelle ça le beaching rural. Pas de baignade, mais beaucoup d’imagination. On se tartine de crème solaire à 19 degrés, on joue au frisbee entre deux taupinières, et on rêve à un littoral doubien qui n’existera jamais.
Un homme – Philippe, 43 ans, passionné de fake tropiques – revient chaque année depuis 2012 avec un parasol rayé, une glacière, et une playlist « plage et guitares ».
« Un jour, ça prendra. Je sens qu’on n’est pas loin. Il manque juste un peu d’eau. Et beaucoup de foi. »
Alors, mythe ou réalité ?
Disons plutôt mirage utile. Pontarlier-Plage n’existe pas. Mais l’idée, elle, résiste. Comme un rêve en tongs dans une ville sans rivage. Et c’est peut-être mieux ainsi. Parce que tant qu’on cherche la plage, on oublie qu’il fait 14°C au mois de juillet. Et qu’il pleut sur le barbecue.