đŸ”„ Le feu ça brĂ»le, le vrai : l’Aude (11) en flammes, la tĂ©lĂ© en roue libre

Aude – Depuis dimanche 3 aoĂ»t, un incendie d’une rare intensitĂ© ravage le massif des CorbiĂšres, dans l’Aude. Le feu, ça brĂ»le ?

Parti de Ribaute, il s’est propagĂ© Ă  une vitesse fulgurante sous l’effet conjuguĂ© de la tramontane, de la sĂ©cheresse et d’un Ă©tĂ© de plus en plus dĂ©raisonnable. Plus de 16 000 hectares sont dĂ©jĂ  partis en fumĂ©e. Une habitante est dĂ©cĂ©dĂ©e, des dizaines de familles ont tout perdu. Les pompiers sont hĂ©roĂŻques, l’angoisse est immense, et pendant ce temps-lĂ , sur les plateaux tĂ©lé  on redĂ©couvre que le feu, ça brĂ»le.

🧯 Des faits graves, des mots faibles

Les chaĂźnes d’info en continu se sont toutes ruĂ©es sur place, avec leurs duvets, leurs duplex et leurs Ă©lĂ©ments de langage. À tour de rĂŽle, les prĂ©sentateurs ont posĂ© le mĂȘme diagnostic, rĂ©citĂ© avec plus ou moins de conviction :

  • « Il fait trĂšs chaud, la vĂ©gĂ©tation est sĂšche, et donc
 ça prend feu. »
  • « Le feu, c’est difficile Ă  arrĂȘter, surtout quand ça brĂ»le. »
  • « Le feu, ça brĂ»le. »

La phrase « le feu, ça brĂ»le » a Ă©tĂ© prononcĂ©e plus de 90 fois sur BFM, LCI et CNews en 48h. À tel point que, par une sorte de mimĂ©tisme absurde, l’inconscient collectif a fini par la chanter — exactement comme dans le refrain de Charlie et Lulu, ces deux prophĂštes thermodynamiques des annĂ©es 90 qui nous rappelaient Ă©galement que l’eau, ça mouille.

Le feu ça brĂ»le. Pendant que l’Aude brĂ»le, le Haut-Doubs se souvient qu’il a du bon sens, contrairement aux chaĂźnes d'info en continu
Charlie et Lulu, des Paco Rabane thermodynamiques

đŸŽ™ïž Le feu mĂ©diatique en continu

Sur le terrain, 1 900 pompiers, 500 vĂ©hicules, des hĂ©licoptĂšres bombardiers d’eau et les cĂ©lĂšbres Canadairs se battent pour contenir l’incendie. Des Ă©vacuations ont eu lieu Ă  Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, Tournissan, Fontjoncouse ou encore Lagrasse, joyaux du patrimoine local aujourd’hui sous la menace. L’autoroute A9 a Ă©tĂ© coupĂ©e plusieurs heures. Des campings ont Ă©tĂ© Ă©vacuĂ©s, des lignes Ă©lectriques coupĂ©es.

Mais tout ça, vous ne l’apprendrez que dans les marges des reportages. Car ce qui passionne les rĂ©dactions, c’est de filmer une colline fumante, une maison calcinĂ©e, un casque de pompier posĂ© sur une pierre, et un journaliste qui, micro en main, vous explique que « les flammes, c’est impressionnant, et le danger, c’est dangereux ».

🔄 Le Haut-Doubs avait compris avant tout le monde

Pendant ce temps-lĂ , dans le Haut-Doubs, on observe le dĂ©sastre avec tristesse
 mais sans surprise. Chez nous, on sait depuis plusieurs gĂ©nĂ©rations que le feu, ça brĂ»le. On n’a pas attendu qu’un consultant coiffĂ© comme Julien Lepers vienne nous l’annoncer en direct de Narbonne. Quand on fait un feu de branches dans le jardin, on dĂ©broussaille autour, on prend une pelle, on remplit une cuvette d’eau. Parfois, on appelle mĂȘme Roger, qui a toujours un extincteur dans son coffre, « au cas oĂč ça tourne vinaigre ».

Ici, on vit avec des poĂȘles Ă  bois, des combles mal isolĂ©s, et des granges remplies de foin sec. Autant dire qu’on a une certaine conscience du risque thermique, sans avoir besoin d’un bandeau BFM pour nous expliquer que « le brasier monte Ă  plusieurs centaines de degrĂ©s ».

MĂȘme les hĂ©rissons savent que ça brĂ»le : ils changent de talus Ă  la moindre odeur suspecte. À croire que nos journalistes en cravate devraient passer un Ă©tĂ© Ă  Pontarlier pour se reconnecter avec les lois Ă©lĂ©mentaires de la physique.

🎭 Quand le commentaire “le feu ça brĂ»le” devient comĂ©die

Le plus consternant, ce ne sont pas les clichĂ©s. C’est l’absence totale d’analyse. Aucun plateau n’a Ă©voquĂ© les politiques de prĂ©vention insuffisantes, l’urbanisme imbĂ©cile qui autorise des lotissements dans des forĂȘts sĂšches, ou la dĂ©sindustrialisation des moyens d’entretien du paysage.

Pas une allusion au changement climatique, Ă  la multiplication des feux ces derniĂšres annĂ©es, ou au fait que l’Aude, comme bien d’autres dĂ©partements, est devenu un baril de poudre mal surveillĂ©. Non. Le feu, ça brĂ»le. Et on tourne les images en boucle jusqu’à la prochaine pluie.

🧠 Le Haut-Doubs n’oublie pas de rĂ©flĂ©chir

Alors bien sĂ»r, on ne va pas se moquer du malheur des sinistrĂ©s. Ce drame est bien rĂ©el. Mais on a le droit — et mĂȘme le devoir — de se moquer de ceux qui prĂ©tendent informer en rĂ©gurgitant du vide. Chez nous, dans le Haut-Doubs, le feu ça brĂ»le, oui, mais ça ne crame pas le cerveau.

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