Besançon â Le Doubs sâĂ©veille. Mais pas tout Ă fait dans le sens diplomatique du terme : ces derniers jours, les autoritĂ©s municipales de Besançon ont vu rouge. Ou plutĂŽt⊠bleu et jaune. Enfin, non. PlutĂŽt blanc, bleu, jaune et noir. Une percĂ©e locale de chauvinisme ?
Le drapeau ukrainien, hissĂ© depuis 2022 en solidaritĂ© avec Kyiv, a mystĂ©rieusement disparu pour laisser place au drapeau bisontin. Crime dâĂtat ou coup de chaud patriotique ? Lâaffaire agite les hauteurs (modĂ©rĂ©es) de la citadelle.
đ Selon nos sources, le remplacement du drapeau a Ă©tĂ© discret, rĂ©alisĂ© sans tambour ni trompette, ni mĂȘme un post LinkedIn. Câest un agent municipal qui aurait remarquĂ© lâanomalie aprĂšs un coup dâĆil distrait vers le mĂąt, probablement au moment de gratter un ticket de stationnement.
La rĂ©action ne sâest pas fait attendre : la Ville de Besançon a annoncĂ© porter plainte pour « substitution de drapeau ». Une premiĂšre dans lâhistoire locale, oĂč lâon est plus habituĂ© aux conflits autour des terrasses chauffĂ©es ou des galets de lâOgnon.
Une information de MaCommune.info, qui nous a Ă©tĂ© rapportĂ©e par plusieurs lecteurs, au premier rang desquels Secrets de Franche-ComtĂ©. EnquĂȘte.
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đ§ Frissons patriotiques et effet Mont dâOr
Mais plus que le geste en lui-mĂȘme, câest la symbolique du drapeau bisontin qui fait grincer quelques mĂąchoires en Franche-ComtĂ©. LâemblĂšme blanc, ornĂ© de deux bandes bleu et jaune, avec une croix noire centrale, sent bon le chauvinisme local. Celui du Haut-Doubs. Celui des types qui refusent la fondue savoyarde et qui mettent du ComtĂ© dans le cafĂ© si ça peut aider Ă faire passer un message.
Et voilĂ que Besançon, paisible citĂ© du Doubs-du-Bas, jusque-lĂ occupĂ©e Ă dĂ©battre de la piĂ©tonnisation des ronds-points, reprend Ă son compte les codes de lâarrogance haut-doubienne. Un chauvinisme assumĂ©, oĂč lâon hisse son drapeau comme on exhibe son vĂ©hicule diesel sur le parking de Gifi : pour marquer son territoire.
Dans les rues, les Bisontins interrogĂ©s oscillent entre incrĂ©dulitĂ© et fiertĂ© mal dissimulĂ©e. Jean-Maurice, 52 ans, animateur pĂ©riscolaire et supporter de lâESBF, confie :
« Le drapeau de Besacâ, câest pas rien. Câest un bout de notre Ăąme. Et puis Ă un moment faut arrĂȘter de confondre solidaritĂ© et dĂ©coration. »
Un avis que ne partage pas Nadine, militante associative, qui y voit :
« Une trahison des engagements de la Ville. Et une récupération identitaire. La prochaine fois ce sera quoi ? Une raclette au Conseil municipal ? »
đŠ EnquĂȘte ouverte, hĂ©risson en soutien
DâaprĂšs nos informations, une enquĂȘte interne est ouverte. Il sâagirait dâun acte isolĂ© commis par un agent convaincu que le vent avait tournĂ©. Difficile pour lâinstant dâĂ©valuer sâil sâagit dâun quiproquo, dâun coup de chaud ou dâun manifeste silencieux. Le drapeau bisontin a depuis Ă©tĂ© retirĂ© du mĂąt. Le drapeau ukrainien, lui, a retrouvĂ© sa place. Lâhonneur est sauf. Le mĂąt aussi.
Sur les rĂ©seaux, la polĂ©mique fait rage. Certains y voient un retour des vieux dĂ©mons rĂ©gionalistes. Dâautres applaudissent ce sursaut de fiertĂ© locale. Le groupe Facebook « Besacâ, ta fiertĂ©, ton drapeau » est passĂ© de 13 Ă 421 membres en moins de 48 heures. La page concurrente « Un drapeau câest pas un slip, ça se change pas comme ça » plafonne Ă 17, mais propose des visuels de qualitĂ©.
đïž Le MHDGA propose un mĂąt unique pour tous les chauvinismes
De son cĂŽtĂ©, le Mouvement du Haut-Doubs â Gens Authentiques (MHDGA) nâa pas tardĂ© Ă sâen mĂȘler. GĂ©rard Poncet, moustache au vent, casquette vissĂ©e sur le crĂąne, a tenu Ă exprimer sa solidaritĂ© avec ce geste anonyme :
« Quand jâai vu quâils avaient mis le drapeau de Besançon Ă la place de lâukrainien, jâme suis dit : enfin un signe de rĂ©veil. Bon, câest pas encore le drapeau du Haut-Doubs, mais câest un dĂ©but. »
Le MHDGA milite dĂ©sormais pour lâinstallation dâun mĂąt rotatif dans chaque commune du Doubs, permettant dâalterner, chaque semaine, entre le drapeau local, le drapeau comtois, le drapeau ukrainien, et un fanion #FER (Front d’Ăquilibre Routier). Selon Poncet :
« Comme ça, yâa pas de jaloux, et les gens apprennent la gĂ©ographie. »

đ Besançon en quĂȘte dâunité⊠ou dâidentitĂ© ?
Alors que la Ville tente de calmer le jeu, lâĂ©pisode soulĂšve une question plus vaste : et si le Doubs-du-Bas commençait Ă lorgner sur les attributs identitaires du Haut-Doubs ? FiertĂ© locale, fromages trop forts, voitures trop larges, bottes en Ă©té⊠Autant de signes annonciateurs dâune contamination culturelle inversĂ©e, autrefois impensable.
Dans les colonnes de notre édition, GisÚle (ancienne tenanciÚre du tabac-presse de Morteau) résume le sentiment général :
« Ăa y est, ça dĂ©teint. Faut pas sâĂ©tonner si on retrouve bientĂŽt des gens de Besançon qui se disent âpâtĂȘt ben quâouiâ en commandant du Pontarlier. »
Un avis sur “đ©Chauvinisme ? Doubs du Bas : le drapeau ukrainien remplacĂ© par le drapeau de la ville place des Droits de l’Homme Ă Besançon”