OYE-ET-PALLET â BESANĂON – En colĂšre contre les bouchons, les trains et bus supprimĂ©s et le âdĂ©sert ferroviaire du Haut-Doubsâ, une habitante dâOye-Et-Pallet a pris une dĂ©cision radicale : descendre le Doubs en kayak pour honorer un rendez-vous Ă Besançon. Une idĂ©e folle ? Peut-ĂȘtre. Mais Sandrine lâa fait. Et une fois le rendez-vous passĂ©, il a bien fallu⊠remonter. Sans rame. Sans dignitĂ©. Avec un kayak sur le dos.
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đ¶ DĂ©part dâOye-et-Pallet : âJâai vu lâeau, jâai dit bancoâ
Ce lundi matin, 6 h 12. Sandrine B., 38 ans, quitte son pavillon dâHoutaud. Elle est attendue Ă 14 h dans un cabinet de rhumatologie de la rue de Belfort, Ă Besançon. Dâordinaire, elle aurait pris le TER de 7 h 56 Ă Pontarlier (via Frasne et Dole). Mais le train est annoncĂ© âĂ lâĂ©tude de suppression pour cause dâindisponibilitĂ© du personnel de conduiteâ.
âJâai vu sur lâappli SNCF que mon train avait 87 % de chances dâĂȘtre supprimĂ©. Je me suis dit : jâvais pas jouer au loto.â
Elle envisage alors de prendre la voiture via la RN57. Mais lĂ encore, câest le chaos : travaux sur la quatre-voies, circulations alternĂ©es multiples sur le trajet, Waze qui vire au rouge cramoisi, et surtout la 13e Ă©dition du contre-la-montre amateur suisse entre La Chaux-de-Fonds et Dommartin, qui bloque tout le trafic depuis 5 h 30.
âJâai vu des types rasĂ©s en combinaison fluo dĂ©bouler sur la nationale comme sâils jouaient leur vie. Jâai rebroussĂ© chemin, jâai pris le kayak.â
Elle descend alors prĂšs du petit pont, oĂč elle sait pouvoir accĂ©der au Doubs derriĂšre un ancien terrain de camping, pour mettre Ă lâeau et âlaisser faire le courantâ.
La premiĂšre heure est presque bucolique. Sandrine passe Doubs, entre deux cygnes intriguĂ©s, puis longe Malbuisson avec un salut de la main aux clients du Chalet du Lac. Ă hauteur de Pontarlier, elle crie âje suis en retard !â en pagayant de toutes ses forces. Les gendarmes nâinterviennent pas.
đ Saut du Doubs et douche froide Ă Villers-le-Lac
Ă partir de la commune de Doubs, le dĂ©bit sâaccĂ©lĂšre. Sandrine contourne Arçon, file vers MontbenoĂźt et GrandâCombe-ChĂąteleu. âĂ Morteau, jâai failli accoster pour un croissant. Mais jâavais peur de ne pas repartir.â Elle continue. Ă Villers-le-Lac, la riviĂšre devient franchement mouvementĂ©e. Le Saut du Doubs approche.
âJâai bien vu la pancarte âattention dangerâ. Mais une fois lancĂ©e, jâĂ©tais cuite. Jâai criĂ© trĂšs fort, jâai volĂ©, jâai atterri. Mon kayak a tenu. Mon moral un peu moins.â
Elle repart trempée, frissonnante, passe GlÚre, puis Saint-Hippolyte. à Baume-les-Dames, elle hésite à sortir, mais continue. à 17 h 45, Sandrine accoste à Besançon au niveau de Tarragnoz.
âTrois heures de retard. Mais une entrĂ©e remarquable.â
Son rhumatologue la regarde comme une hallucination. Il lui prescrit des anti-inflammatoires⊠et un psy.
đ„” Le retour : un kayak sur le dos, un pouce levĂ©, et personne qui sâarrĂȘte
Mais la vraie Ă©preuve ne fait que commencer. Il est 18 h 30, le soleil baisse, et Sandrine doit ĂȘtre Ă Houtaud le lendemain Ă 8 h, car elle âouvre les bureauxâ chez Flexidor.
âLe problĂšme du Doubs, câest quâil va toujours dans le mauvais sens quand on rentre.â
Elle tente de remonter Ă la rame, en vain. âĂ peine je pagaie, je recule.â Elle accoste donc, plie son kayak (mal), lâattache sur son sac avec deux tendeurs, et entame le retour Ă pied. Une heure de marche, une crampe au mollet, puis elle dĂ©cide de faire du stop.
âJâai levĂ© le pouce Ă Roulans. Personne. Sauf un gars en 4×4 qui mâa criĂ© : âTâas cru que tâĂ©tais dans PĂ©kin Express ?ââ
Finalement, un viticulteur de Champlive la prend jusquâĂ Valdahon, en Ă©change dâune bouteille de Pontarlier. De lĂ , un voisin la remonte jusquâĂ Pontarlier, puis elle finit en trottinette Ă©lectrique non homologuĂ©e trouvĂ©e lĂ jusquâĂ Oye-Et-Pallet, arrivĂ©e 22 h 57.
âJâai pris une soupe, jâai dormi en combi nĂ©oprĂšne. Et Ă 8 h, jâĂ©tais au bureau. En claquettes.â
đ§ Le MHDGA veut instaurer un sens de circulation sur le Doubs
Face à cette aventure, Gérard Poncet (MHDGA, canton de Pontarlier) a pris la parole :
âLe vrai problĂšme, câest quâil nây a pas de voie de retour. Si le Doubs pouvait aussi remonter vers le Haut, on serait bien.â
Il propose lâinstallation de âtreuils manuelsâ tous les cinq kilomĂštres, pour aider les Doubistes Ă revenir Ă contre-courant. âComme au ski, mais sans neige. Et sans forfait.â
Un projet immĂ©diatement qualifiĂ© de âfarfelu mais pas pire que la ligne TER Belfort-Doleâ par un agent SNCF anonyme. Une pĂ©tition est en ligne : Faut quâle Doubs remonte.

âïž Vous aussi, vous pensez que le Doubs devrait savoir remonter ?
Soutenez la proposition de GĂ©rard Poncet et signez la pĂ©tition pour l’installation de treuils manuels tous les cinq kilomĂštres. Parce que pagayer Ă contre-courant, câest bien, mais avec un peu dâaide, câest mieux.