Il y a des moments oĂč lâactualitĂ© nationale donne lâimpression de chercher volontairement le contre-exemple parfait. Cette semaine, il aura suffi dâune âACAB party1â, organisĂ©e dans une grande ville française, pour rappeler quâon peut encore transformer lâhostilitĂ© envers les forces de lâordre en concept festif assumĂ©, slogans compris, ambiance comprise, et sens de la nuance soigneusement rangĂ© au vestiaire.
Une initiative largement dĂ©noncĂ©e, y compris par des Ă©lus pourtant peu suspects de tendresse excessive envers lâuniforme, tant la provocation apparaĂźt absolument innommable.
Pendant ce temps-là , loin des platines, des fumigÚnes militants et des hashtags rageurs des ACAB party, les campagnes vivent une tout autre tension, bien réelle, bien concrÚte, et surtout infiniment moins théùtrale.
 Dans cet article
đ Quand la colĂšre paysanne ne se transforme pas en fĂȘte anti-flics
Dans plusieurs territoires ruraux, les Ă©leveurs expriment depuis des jours une colĂšre profonde face aux mesures sanitaires liĂ©es Ă la dermatose bovine. Abattages prĂ©ventifs, incertitudes Ă©conomiques, sentiment dâinjustice et dĂ©cisions venues âdâen hautâ : tous les ingrĂ©dients sont rĂ©unis pour faire monter la pression.
« Ici, on prĂ©fĂšre crier MHDGA que ACAB : on nâest pas des sauvages. »
Gérard Poncet
Et pourtant.
MalgrĂ© des blocages, des tracteurs sur la chaussĂ©e, des Ă©changes parfois rugueux avec les forces de lâordre, personne nâa songĂ© Ă organiser une âACAB partyâ au fond dâun hangar agricole. Pas de banderoles insultantes, pas de DJ militant, pas de mise en scĂšne grotesque de la haine de lâuniforme.
Juste des femmes et des hommes qui dĂ©fendent leur outil de travail, leurs bĂȘtes, et souvent leur survie Ă©conomique.
Dans le Haut-Doubs comme ailleurs, la colĂšre est grave, mais elle reste dirigĂ©e. Elle vise des dĂ©cisions, une stratĂ©gie sanitaire, un sentiment dâabandon. Pas une institution caricaturĂ©e Ă coups de slogans creux.
đĄïž Forces de lâordre : le tact plutĂŽt que le clash
Face Ă cette mobilisation agricole, les consignes donnĂ©es aux forces de lâordre sont claires : tact, retenue, adaptation. Une posture qui tranche avec dâautres contextes plus urbains oĂč la confrontation est parfois recherchĂ©e autant par les manifestants que par ceux qui commentent les Ă©vĂ©nements Ă distance.
Sur le terrain, les gendarmes et policiers dĂ©ployĂ©s savent Ă qui ils ont affaire. Pas Ă des fĂȘtards idĂ©ologiques venus âperformerâ leur dĂ©testation de la police, mais Ă des Ă©leveurs Ă©puisĂ©s, souvent au bord du gouffre, qui nâont rien Ă gagner Ă lâescalade.
Les échanges sont parfois tendus, les nerfs à vif, mais le dialogue existe, et surtout, il est respecté.
Câest peut-ĂȘtre lĂ toute la diffĂ©rence.
âïž Deux colĂšres, deux mondes
Dâun cĂŽtĂ©, une ACAB party pensĂ©e comme un acte politique provocateur, dĂ©tachĂ© de toute rĂ©alitĂ© concrĂšte, oĂč la police devient un symbole abstrait Ă conspuer collectivement, sans distinction, sans contexte, sans responsabilitĂ©.
Une colÚre spectaculaire, bruyante, médiatiquement rentable, mais profondément vide.
De lâautre, une colĂšre paysanne, silencieuse quand il le faut, bruyante quand elle nâa plus le choix, mais toujours ancrĂ©e dans le rĂ©el. Une colĂšre qui nâa pas besoin dâinsultes ritualisĂ©es pour exister, ni de soirĂ©es âconceptâ pour ĂȘtre entendue.
« Ici, on prĂ©fĂšre crier MHDGA que ACAB : on nâest pas des sauvages. »
â GĂ©rard Poncet, figure locale bien connue

Ironie ultime : ce sont prĂ©cisĂ©ment ces agriculteurs, pourtant en conflit direct avec lâĂtat et ses reprĂ©sentants, qui font preuve aujourdâhui de la plus grande maturitĂ© civique.
đ§ Une leçon que personne ne semble vouloir entendre
Pendant que certains transforment lâhostilitĂ© envers les forces de lâordre en divertissement militant, le monde agricole rappelle, sans discours moralisateur, quâon peut contester fermement sans sombrer dans la haine organisĂ©e de l’ACAB party.
Quâon peut bloquer une route sans bloquer son cerveau. Et quâon peut ĂȘtre en colĂšre sans perdre toute dĂ©cence.
Dans le Haut-Doubs, comme dans beaucoup de territoires ruraux, on nâaime pas toujours les dĂ©cisions venues de Paris. Mais on sait encore faire la diffĂ©rence entre dĂ©saccord, colĂšre et dĂ©shumanisation.
Et ça, finalement, câest peut-ĂȘtre la plus grande claque adressĂ©e aux organisateurs de soirĂ©es âinnommablesâ. đđ

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đ ACAB party : dĂ©rive innommable ailleurs, retenue paysanne ici malgrĂ© les tensions avec les forces de lâordre
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đ· Le dĂ©bat se poursuit dans Le Comptoir de LâOuest RĂ©publicain, le groupe de discussion rattachĂ© Ă la page.
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- Une âACAB partyâ dĂ©signe un rassemblement festif ou militant se rĂ©clamant ouvertement du slogan ACAB (âAll Cops Are Bastardsâ) (“Tous les flics sont des bĂątards”, en français) qui s’attaque aux forces de l’ordre, visant Ă afficher une hostilitĂ© globale et assumĂ©e envers les forces de lâordre. PrĂ©sentĂ©e comme un Ă©vĂ©nement culturel ou politique, cette forme de mobilisation repose davantage sur la provocation symbolique et lâoutrance que sur une revendication structurĂ©e ou un dialogue institutionnel. â©ïž
