Besançon ( Doubs-Du-Bas) – Besançon vient de dĂ©gainer sa riposte logistique : fermeture simultanĂ©e de la CĂŽte de Morre et dâune partie de la voie des Mercureaux. Quatre semaines minimum de travaux, un mois et demi pour les plus courageux, et une mission secrĂšte qui ne dit pas son nom : isoler le Haut-Doubs du reste du monde civilisĂ©.
On savait que la Citadelle nâĂ©tait pas efficace contre les voitures ni les trains, alors on a pris les devants
Un Bisontin, anonyme mais fier
 Dans cet article
đŠ Le hĂ©risson traverse enfin tranquille
Il fallait bien un bĂ©nĂ©fice collatĂ©ral Ă ce plan dâenfermement : le hĂ©risson local, hĂ©ros rĂ©current de nos routes dĂ©partementales et de la RN57, peut dĂ©sormais traverser sans risquer la crĂȘpe. Plus de SUV pressĂ©s, plus de frontaliers en retard, plus de bus scolaires coincĂ©s derriĂšre les tracteurs. Juste un silence absolu, coupĂ© de temps en temps par un vent dâautonomie et une odeur de goudron frais.
Besançon se replie sur elle-mĂȘme, alors que nous, au Haut-Doubs, on avance vers lâavenir â un avenir sur rail
Gérard Poncet, visionnaire pontissalien
Pour le reste, les automobilistes nâont plus quâĂ choisir entre deux options : faire demi-tour avant le tunnel des Mercureaux, ou camper Ă Mamirolles en attendant la fin du chantier.
đ§± La Citadelle nâarrĂȘte pas les voitures
« On savait que la Citadelle nâĂ©tait pas efficace contre les voitures ni les trains, alors on a pris les devants », glisse un Bisontin mi-fier, mi-fataliste.
Officiellement, les travaux visent la sĂ©curitĂ© et la durabilitĂ© des infrastructures. Officieusement, câest un plan de dĂ©fense du Doubs-du-Bas, une ligne Maginot moderne destinĂ©e Ă tenir le Haut-Doubs Ă distance raisonnable.
« Pas grave, on passera par la Belgique et les Ardennes », confie, fataliste, un Pontissalien travaillant dans la cité bisontine.
Le dispositif est redoutable : dâun cĂŽtĂ©, la CĂŽte de Morre en rĂ©fection complĂšte ; de lâautre, la voie des Mercureaux amputĂ©e de son souffle. Entre les deux, des ronds-points Ă perte de vue et des automobilistes qui se dĂ©couvrent une passion pour la marche Ă pied.
đ Le monorail de La Vrine, ultime espoir
Du cĂŽtĂ© du Haut-Doubs, on observe la manĆuvre avec philosophie. GĂ©rard Poncet, porte-moustache du MHDGA, y voit « une tentative maladroite dâencerclement ». Selon lui, « Besançon se replie sur elle-mĂȘme, alors que nous, dans le Haut-Doubs, on avance vers lâavenir â un avenir sur rail ».

Il fait bien sĂ»r rĂ©fĂ©rence au projet de monorail PontarlierâBesançon, annoncĂ© cet Ă©tĂ© (lire : âRN57 : monorail PontarlierâBesançonâ). LâidĂ©e : relier La Vrine Ă la capitale comtoise en Ă©vitant tous les problĂšmes du Doubs-Du-Bas, y compris les Bisontins eux-mĂȘmes.
« Le jour oĂč il sera en service, on les verra nous supplier pour monter Ă bord », promet Poncet, avant dâajouter : « Mais on fera payer un supplĂ©ment pour les SUV hybrides. »
đŠș Le quotidien des survivants
Dans les faits, la vie devient surrĂ©aliste. Les GPS paniquent, Waze est en PLS, les panneaux temporaires se contredisent, et mĂȘme Radio Plein Air nâose plus donner les conditions de circulation. Les livreurs tournent en rond autour de Beure, et des colonies spontanĂ©es de frontaliers Ă©garĂ©s sâorganisent dans les zones artisanales dĂ©sertĂ©es.
Quâils gardent leur rocade, nous on garde nos morilles
GisĂšle, philosophe de comptoir
Un témoin local, casquette vissée et café tiÚde à la main, résume la situation :
« Câest la premiĂšre fois que jâai mis 1h40 pour aller chercher du pain. Et encore, jâai pas trouvĂ© de place pour me garer. »
đ§ Un Doubs libre, mais sans sortie
Le plus ironique, câest quâen coupant les voies dâaccĂšs, Besançon vient de rĂ©aliser le rĂȘve secret du Haut-Doubs : lâautonomie complĂšte. Plus de descentes forcĂ©es Ă la prĂ©fecture, plus de stages de sĂ©curitĂ© routiĂšre Ă Planoise, plus de commissions techniques interminables.
Pontarlier se fĂ©licite dĂ©jĂ de pouvoir se proclamer âcapitale provisoire de la Franche-ComtĂ© libreâ. Morteau annonce un âpont aĂ©rien Ă base de drĂŽnes et de fromagesâ, pendant quâOrnans prĂ©pare un rĂ©fĂ©rendum sur la rĂ©ouverture conditionnelle du tunnel des Mercureaux, mais âseulement si ça descend des produits du Haut-Doubsâ.
đ Le mot de GisĂšle
Toujours Ă lâaffĂ»t, GisĂšle, notre correspondante attitrĂ©e depuis Morteau, a rĂ©sumĂ© la situation avec sa clartĂ© habituelle :
« Depuis le temps quâils veulent nous bloquer avec leurs Mercureaux, au moins maintenant câest fait. Quâils gardent leur rocade, nous on garde nos morilles. Et leur Citadelle, ils nâont quâĂ y ranger les panneaux de dĂ©viation. »
Quant au hĂ©risson, il contemple le bitume dĂ©sertĂ© avec sĂ©rĂ©nitĂ©. Il traverse, sans gilet jaune ni badge du MHDGA, libre et anonyme â dernier symbole dâun Doubs qui avance quand tout le reste est Ă lâarrĂȘt.