On a beau parler de ârentrĂ©e des classesâ au niveau national, ici, dans le Haut-Doubs, câest une autre affaire. Ă Paris, ils sâinquiĂštent des crayons trop chers. Chez nous, câest surtout la question :
« Est-ce que le bus scolaire passera si la premiÚre gelée tombe avant le 15 septembre ? ».
Parce que oui, en plein Ă©tĂ© indien, le thermomĂštre peut dĂ©jĂ plonger. Rien de mieux que dâenfiler ses baskets toutes neuves et de les retrouver durcies comme des planches aprĂšs une nuit dehors. Le climat ne pardonne pas. La rentrĂ©e est aussi une leçon de survie.
 Dans cet article
đ§ą Les frontaliers et leurs SUV pleins Ă craquer
Ă Pontarlier, la scĂšne se rĂ©pĂšte : des SUV allemands immatriculĂ©s dans le 25 mais achetĂ©s avec le salaire suisse sâagglutinent devant les Ă©coles. On y dĂ©charge des marmots en polaires techniques, des cartables plus lourds quâun ballot de foin, et un casse-croĂ»te de ComtĂ© directement dĂ©coupĂ© dans la meule.
« Moi je dis vingt dieux et chie dedans, et ça passe crÚme. On est à Pontarlier, pas à Paris ».
DjĂ€ysonne, collĂ©gien pontissalien et stagiaire multidirectionnel de L’Ouest RĂ©publicain
Pendant ce temps, les Doubiens qui nâont pas de frontiĂšre Ă traverser sortent leur C15 pour lâoccasion. Le coffre sent encore la paille, mais quâimporte : lâodeur rassure et les gamins trouvent ça plus âauthentiqueâ.
A Chapelle d’Huin, le ramassage scolaire est mĂȘme assurĂ© par un tracteur.
đŠ Le hĂ©risson, toujours au rendez-vous de la rentrĂ©e des classes
RentrĂ©e oblige, la circulation reprend de plus belle. Et qui dit circulation dit⊠hĂ©risson. Comme tous les ans, le pauvre animal se fait surprendre entre la rue de Besançon et le rond-point des Ătraz. On a beau prĂ©venir : « Attention, traversĂ©e dâanimaux imprĂ©visibles », rien nây fait. Le hĂ©risson est dĂ©sormais un symbole de rentrĂ©e. Il mĂ©riterait presque sa photo sur les carnets scolaires.
đ DjĂ€ysonne et la discipline nationale
Au collĂšge de Pontarlier, DjĂ€ysonne, 12 ans, redoute un changement majeur. On a lu dans les gazettes nationales que certains mots comme âweshâ ou âwallahâ seraient interdits. Panique chez les ados. Mais DjĂ€ysonne relativise : « Moi je dis vingt dieux et chie dedans, et ça passe crĂšme. On est Ă Pontarlier, pas Ă Paris ».
Ses professeurs, eux, oscillent entre fatalisme et résignation :
« On sait quâen hiver, la moitiĂ© des cours sera annulĂ©e Ă cause de la neige. Alors bon, les gros mots, câest secondaire ».
đ§ Les fournitures scolaires : Ă©dition haut-doubienne
Ailleurs, on demande une trousse, un compas, un cahier 24×32. Ici, la liste a ses variantes :
- 1 Opinel (pour découper le saucisson de 10h)
- 1 thermos obligatoire (rempli de soupe aux pois ou de Pont, selon la famille)
- 3 pulls en laine de grand-mĂšre (le chauffage nâest pas garanti avant novembre)
- 1 paire de raquettes pour les premiers flocons.
« Est-ce que le bus scolaire passera si la premiÚre gelée tombe avant le 15 septembre ? ».
Demande populaire locale
Le rayon ârentrĂ©eâ de la grande surface de Doubs ressemble plus Ă un marchĂ© paysan quâĂ une papeterie.
đ Les comices annulĂ©s, la rentrĂ©e prolongĂ©e
Cette annĂ©e, coup de théùtre : les comices agricoles Ă©tant annulĂ©s pour cause de dermatose nodulaire, certains Ă©lĂšves ont eu la rentrĂ©e prolongĂ©e. Dans les fermes, on a mis les gamins Ă contribution pour aider Ă soigner les bĂȘtes et faire tourner la fromagerie. RĂ©sultat : dans certaines classes, il manquait un tiers des effectifs le jour J. Le rectorat appelle ça âabsentĂ©ismeâ. Ici, on appelle ça âtraditionâ.
đłïž Le MHDGA propose une rĂ©forme
Toujours Ă lâaffĂ»t, GĂ©rard Poncet, candidat du MHDGA Ă Pontarlier, a sa propre idĂ©e :
« Les rentrĂ©es, câest une invention de citadin. Nous, dans le Haut-Doubs, on devrait alterner trois mois dâĂ©cole et trois mois de ferme. Au moins, les gosses sauraient ce que câest quâun veau ou un tracteur ».
Marguerite, sa vache, opine en silence, tandis que Tavernier ronronne.

đ Une rentrĂ©e qui nâen finit pas
Car la vĂ©ritĂ©, câest quâici, la rentrĂ©e nâa jamais vraiment lieu. Entre les absences pour foins tardifs, les journĂ©es de neige, les ponts (avec une minuscule) improvisĂ©s pour cause de marchĂ© au ComtĂ©, et la grippe qui dĂ©cime les rangs dĂšs novembre, on finit par se demander si une annĂ©e scolaire complĂšte a dĂ©jĂ existĂ© dans le Haut-Doubs.
Mais peu importe. Les gamins apprennent lâessentiel : compter en meules, lire une carte IGN pour contourner les bouchons de la RN57, et Ă©crire un mot dâexcuse crĂ©dible pour justifier dâĂȘtre restĂ© coincĂ© derriĂšre un troupeau.