Lâannonce est tombĂ©e il y a quelques minutes comme une brique dans lâauge Ă sel : la FĂ©dĂ©ration des Comices Agricoles de Franche-ComtĂ© annule tous les Ă©vĂ©nements prĂ©vus cet Ă©tĂ©, pour cause de dermatose nodulaire. Dans le Haut-Doubs, on parle de catastrophe culturelle, sociale et buvettologique.
 Dans cet article
đš Une maladie qui prend le bĂ©tail de front
La dermatose nodulaire, ce nâest pas un terme inventĂ© pour faire peur aux citadins. Câest une maladie virale qui sâattaque aux bovins, provoquant des lĂ©sions cutanĂ©es et une baisse de la production laitiĂšre. Elle se transmet par des insectes piqueurs, ce qui, dans les pĂąturages du Haut-Doubs, est aussi facile que de trouver un stand de comtĂ© sur un marchĂ©.
Les services vĂ©tĂ©rinaires, eux, ne rigolent pas : « Il faut Ă©viter tout rassemblement dâanimaux, câest du bon sens », explique le Dr Delarue, vĂ©tĂ©rinaire Ă Morteau. Traduction locale : on ne va pas faire renifler museau contre museau Ă des vaches venues de tous les cantons juste pour quelques rubans.
đ Le comice, bien plus quâun concours de vaches
Pour les non-initiĂ©s, un comice agricole nâest pas seulement une exposition bovine. Câest le rendez-vous oĂč les Ă©leveurs montrent le fruit de leur travail, oĂč les familles passent la journĂ©e Ă admirer les MontbĂ©liardes, et oĂč les voisins discutent politique locale entre deux verres de Pont.
Dans les allées, on croise habituellement :
- Les vaches bichonnĂ©es au shampoing, prĂȘtes pour le ring
- Les stands de charcuterie qui embaument le jambon fumé
- Les gamins qui grimpent sur les bottes de paille
- Les Ă©lus locaux qui se montrent sur les photos officielles, toujours avec la mĂȘme poignĂ©e de main Ă cĂŽtĂ© du mĂȘme taureau
Cette année, tout cela passe à la trappe. Les buvettes resteront sÚches, les podiums vides, et les concours de traite improvisés renvoyés aux souvenirs.
đ° Un manque Ă gagner pour les communes
Les maires du Haut-Doubs, eux, font dĂ©jĂ leurs comptes. Un comice, câest des retombĂ©es Ă©conomiques : location dâemplacements, ventes de produits locaux, consommation dans les cafĂ©s du village⊠Sans parler de lâattraction touristique. Ă Morteau, on estime que lâĂ©dition 2024 avait attirĂ© plus de 5 000 visiteurs. Cette annĂ©e, zĂ©ro.
Et au-delĂ des chiffres, il y a lâambiance. Pas de vache qui passe devant la buvette, pas de fanfare municipale qui joue « Siffler sur la colline » au milieu des cris de veaux, pas de jury qui hĂ©site longuement entre « Marguerite » et « Rosalie » pour le prix de la plus belle robe.
đŠ Le hĂ©risson qui nâen a rien Ă faire
FidĂšle Ă nos habitudes, nous devons signaler que ce matin, au moment de lâannonce, un hĂ©risson a traversĂ© la dĂ©partementale Ă Arçon. Comme pour rappeler quâici, la vie continue avec ou sans comice. Dâaucuns diront quâil cherchait Ă rejoindre la buvette ; dâautres, quâil avait rendez-vous pour un point presse.
đ Et maintenant, on fait quoi ?
Les discussions vont dĂ©jĂ bon train. Certains Ă©leveurs proposent un « comice virtuel » avec dĂ©filĂ© filmĂ© des vaches sur Zoom. Les plus pragmatiques rĂ©pondent que câest comme boire un Pont en photo : ça ne marche pas. Les anciens, eux, disent quâil vaut mieux attendre 2026 et revenir en force, avec un ring qui sente la sciure et la sueur bovine.
En attendant, les Ă©leveurs bichonneront leurs bĂȘtes sans objectif de concours. Les plus taquins suggĂšrent dâorganiser des mini-comices clandestins dans les granges, mais Ă lâheure des rĂ©seaux sociaux, on voit mal comment garder ça discret.
đïž La voix de GĂ©rard Poncet
Notre envoyĂ© spĂ©cial a croisĂ© GĂ©rard Poncet, moustache impeccable, gilet sans manches et Marguerite Ă lâombre du hangar.
« Marguerite ira pas au comice cette annĂ©e, et câest trĂšs bien. On va pas faire courir les microbes pour trois rubans et deux photos dans le journal », lĂąche-t-il en fixant sa vache comme un pĂšre qui explique la vie Ă sa fille.
Du bon sens haut-doubien pur jus : ici, on prĂ©fĂšre perdre une fĂȘte que perdre un troupeau.

đ Une tradition mise sur pause
Le dernier comice annulĂ© en Franche-ComtĂ© remonte Ă des dĂ©cennies, et câĂ©tait Ă cause de la fiĂšvre aphteuse. La dermatose nodulaire vient donc rejoindre la liste des plaies qui rappellent que lâĂ©levage, ce nâest pas que du fromage et des photos touristiques : câest aussi de la vigilance et des sacrifices.
Mais connaissant les Ă©leveurs du coin, on sait dĂ©jĂ que lâan prochain, les vaches reviendront plus belles, plus lustrĂ©es, et que les buvettes se rattraperont largement.