PONTARLIER â Dans les Ă©coles, les tableaux sont encore propres. Dans les rues, les enfants sont partout. Et dans les foyers, les adultes pleurent en silence derriĂšre leur cafĂ© froid. VoilĂ bientĂŽt vingt-deux jours que les grandes vacances ont commencĂ©, et pour de nombreux parents du Haut-Doubs, le verdict est sans appel : câest long, trop long, beaucoup trop long.
Alors que la presse nationale se gargarise de reportages sur les ânouvelles tendances de lâĂ©tĂ©â ou les âvacances zĂ©ro stressâ (lol), lâOuest RĂ©publicain a prĂ©fĂ©rĂ© retourner sur le terrain, lĂ oĂč les jouets jonchent le sol, les esprits sont au bord du gouffre, et les tubes de Biafine ne suffisent plus Ă apaiser les coups de soleil ni les nerfs.
Car dans notre belle rĂ©gion, les enfants ne sont pas parquĂ©s dans des clubs Mickey face Ă la mer. Non. Ils sont Ă la maison. Tous. Les. Jours. Et ça sâentend.
Dans les rues de Pontarlier, on distingue clairement deux types de cris :
- Ceux des gosses qui rejouent âFast & Furious : version trottinetteâ devant les bouchers,
- Et ceux des parents qui supplient les dieux de lâĂducation nationale de devancer la rentrĂ©e scolaire.
Nous avons tendu le micro Ă trois dâentre eux. Ils ont acceptĂ© de tĂ©moigner. Par amour. Par dĂ©sespoir. Et parce quâils nâen peuvent plus.
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đ©â𩰠Sandrine, 39 ans, Gilley : « Jâai comptĂ© 14 286 “Maman ?” depuis le dĂ©but des vacances »
Ă la tĂȘte dâun foyer de trois enfants (dont un en pleine phase “dinosaures + trampoline”), Sandrine tient bon grĂące Ă une discipline quasi militaire : lever Ă 6h pour avoir 15 minutes de silence, puis gestion de crise jusquâĂ 22h30.
« Lâautre jour jâai mis des raviolis froids dans leur yaourt, jâai mĂȘme pas tiltĂ©. »
Elle Ă©voque un moment quâelle qualifie sobrement de “fracture mentale” :
« Jâai retrouvĂ© mon petit dernier debout sur la table avec un casque de vĂ©lo en train de lire Ă voix haute des extraits du Code de la route. Il sâauto-forme pour lâĂ©vasion, jâen suis sĂ»re. »
đ§ Laurent, 47 ans, Morteau : « Jâai failli appeler lâĂ©cole pour nĂ©gocier une rentrĂ©e anticipĂ©e »
Laurent travaille depuis chez lui, un concept quâil regrette chaque jour un peu plus.
« Je suis passĂ© de tĂ©lĂ©travailleur Ă tĂ©lĂ©-survivant. Ils mâont dĂ©sinstallĂ© Outlook pour mettre Roblox, jâai signĂ© un devis pour une cheminĂ©e sans le vouloir. »
Son aĂźnĂ© de 13 ans lui a imposĂ© un “stage Minecraft immersion 100%”, consistant Ă creuser des trous dans le jardin pendant que Laurent fait semblant dây voir un projet pĂ©dagogique.
« Ma femme est partie faire les courses yâa 2 jours. JâespĂšre quâelle va bien. »
đ©âđŠ± NadĂšge, 36 ans, MĂ©tabief : « Jâai vu un hĂ©risson, jâai pleurĂ© »
NadĂšge ne pleure pas dâhabitude. Mais cet Ă©tĂ©, entre les tours de luge dâĂ©tĂ©, les tartines de Nutella et les disputes autour du jet dâeau, la barre est haute.
« On a dĂ©jĂ fait toutes les activitĂ©s. Le musĂ©e de la pipe, le labyrinthe de maĂŻs, le Dinozoo, mĂȘme lâatelier fabrication de fromage avec Fernand. Il a craquĂ© lui aussi. Il a jurĂ© sur le GruyĂšre. »
Quand elle a vu un hérisson traverser calmement la route entre deux voitures, elle a fondu.
« Lui au moins, il a une destination. »
đ« Et il reste un moisâŠ
Alors que lâĂtat nâenvisage toujours pas de raccourcir les vacances scolaires ou de lĂ©galiser lâĂ©cole dâĂ©tĂ© en milieu semi-carcĂ©ral, les parents organisent la rĂ©sistance.
Groupes de soutien WhatsApp, pĂ©titions pour ouvrir les cantines en aoĂ»t, cache-cache gĂ©ants oĂč les enfants ne retrouvent plus les parents avant la tombĂ©e de la nuit⊠toutes les stratĂ©gies sont sur la table.

đ§Œ Mention spĂ©ciale Ă ceux qui ont dĂ» repeindre leur salon aprĂšs lâĂ©pisode de la peinture Ă doigts improvisĂ©e avec du ketchup et des yaourts Ă la framboise.
đ§ Et courage Ă tous ceux qui pensent encore naĂŻvement quâaoĂ»t sera plus calme : câest juste juillet, avec les cousins en plus.