🐐 Les brouteurs débarquent dans le Haut-Doubs : comment éviter de finir tondu

PONTARLIER – Ils ne viennent pas du pâturage de Doubs ni du pré communal de Mouthe, mais leurs dégâts sont tout aussi ravageurs : les brouteurs numériques, ces escrocs des réseaux sociaux, s’attaquent désormais aux Drouets, aux Doubistes, aux frontaliers… et surtout aux naïfs. L’Ouest Républicain a mené l’enquête (en pantoufles et en mode avion), et vous livre ses précieux conseils pour ne pas finir dans la béchamel d’un cyberarnaqueur au sourire trop blanc pour être honnête.

👀 Une jolie veuve ivoirienne vous drague ? Vous êtes déjà tondu

Le procédé est bien connu des services de gendarmerie, mais manifestement moins du cousin Joël, 58 ans, de La Cluse-et-Mijoux, qui pensait avoir trouvé l’amour avec « Prisca », une chirurgienne humanitaire ivoirienne dont la photo de profil provenait en réalité d’une banque d’images. Trois virements plus tard, Joël attend toujours le billet d’avion et commence à douter.

Les brouteurs sont des arnaqueurs majoritairement basés en Afrique de l’Ouest, spécialisés dans les escroqueries sentimentales, familiales ou administratives via les réseaux sociaux. Le nom vient du verbe « brouter », en référence à l’idée qu’ils viennent « brouter l’argent des Blancs ». Ici, on aurait préféré qu’ils broutent ailleurs.

📱 Cibles privilégiées : vos tantes sur Facebook, vos cousins sur Instagram

Les brouteurs opèrent principalement sur :

• Facebook (les profils publics sont un buffet à volonté),
• Instagram (notamment les DM un peu trop flatteurs),
• WhatsApp (via des contacts récupérés frauduleusement),
• et parfois sur LinkedIn (oui, même Gisèle a reçu une demande de « partenariat bancaire » d’un dénommé Jean-Pierre de Lomé).

Leur stratégie : repérer les profils vulnérables, engager une conversation amicale ou amoureuse, puis demander de l’argent sous prétexte d’un accident, d’un visa, d’une saisie bancaire ou d’un enfant malade.

En général, si le prétexte devient rocambolesque, c’est que vous êtes mûr.

🚨 Indices révélateurs

Voici quelques signaux qui doivent vous alerter (et vous faire fermer l’ordinateur immédiatement) :

• L’interlocuteur vous tutoie en deux messages et vous appelle « mon cœur » alors que vous vous appelez Fernand et que vous postez des photos de pêche.
• Il/elle veut quitter son pays « pour venir vivre l’amour sincère dans le Jura français » (sic).
• Il y a une demande d’argent avant même d’avoir partagé une tartiflette.
• L’orthographe est approximative façon Djäysonne, sauf pour les coordonnées bancaires.

🧠 Comment les éviter (et comment le Haut-Doubs peut aider)

1. Vérifiez la photo de profil avec une recherche inversée (sur Google Images par exemple). Si elle vient d’un compte brésilien de fitness ou d’un site de mannequins russes, passez votre chemin.
2. Ne partagez jamais vos informations personnelles ou bancaires avec une personne inconnue, aussi séduisante soit-elle, surtout si elle prétend vous aimer sans jamais avoir vu vos charentaises et votre gilet de laine sans manches.
3. Paramétrez vos comptes en privé. Sur Facebook, vos publications doivent être visibles uniquement par vos amis. Sauf si votre but est précisément de faire rire les brouteurs avec vos vidéos de cochon à la broche.
4. Ignorez toute demande d’argent. Un vrai amoureux n’a pas besoin de 250 € pour « libérer son passeport retenu par la douane béninoise ».
5. Parlez-en. C’est encore le meilleur antidote : les arnaqueurs vivent du silence. Dites-le à votre tante, à vos parents, et à Gérard Poncet, qui pensait qu’une influenceuse togolaise voulait ouvrir une fromagerie avec lui.
6. Faites-leur perdre leur temps. Si vous avez du temps devant vous (et un peu de malice), retournez la situation : posez-leur mille questions absurdes, prétendez être vous-même un célibataire de Maîche, en Loire-Atlantique, en Allemagne (oui, tout en même temps, les brouteurs sont des tanches en géographie et c’est à ça qu’on les reconnaît) avec 12 chats, ou demandez s’ils connaissent la recette du Comté fondu. Moins ils arnaquent, plus ils s’énervent. C’est gagnant-gagnant, ça protège du cousin Joël, 58 ans, de La Cluse-et-Mijoux (et peut-être même les hérissons qui traversent sans regarder).

💬 Le mot de Gisèle

Notre correspondante régulière, Gisèle, ex-tenancière du tabac-presse de Morteau, a reçu un message suspect :

« Bonjour charmante, j’aimerais te parler en privé pour un projet d’amour et d’investissement. »

Réponse de Gisèle :

« Mon projet c’est de finir mon tricot. Et mon cœur est fermé les jours impairs. »

Gisèle 1 – Brouteur 0.

🐐 Contre-broutage : Djäysonne passe à l’offensive

Au Collège Grenier, l’heure n’est plus à la passivité numérique. Djäysonne, VPN activé, a lancé avec ses copains une cellule de contre-broutage baptisée Team Raclette.

Leur principe ? Infiltrer les arnaques et faire tourner les escrocs en bourrique pendant des heures. Le record actuel est de 2h46 de conversation avec un certain « Frédéric Banquier Suisse », à qui Djäysonne a promis un virement… en pièces de 1 centime.

« On leur fait perdre du temps, comme ils nous le font perdre. Et en plus, on s’amuse. » explique fièrement le jeune frontailleur, dont le rêve serait d’échanger un selfie avec un vrai brouteur en visite touristique à Gilley.

À défaut, il a déjà piégé quatre profils louches et remporté un badge « Bouc d’Or » sur le forum Trompe-le-Brouteur et d’autres distinctions sur des Neurchis de brouteurs.

📣 En cas de doute

En cas de tentative d’escroquerie :

• Conservez les échanges (captures d’écran),
• Ne payez rien, évidemment,
• Signalez le compte sur la plateforme utilisée,
• Et contactez les autorités, notamment la plateforme officielle

Les gendarmes de Pontarlier ou Morteau peuvent également recevoir votre signalement. Ils ne rigolent pas avec les brouteurs, même si parfois ils rigolent un peu avec ceux qui sont tombés dans le panneau. Pas méchamment.

Vous avez été approché par un brouteur ? Vous voulez témoigner anonymement ? Vous êtes tombé amoureux de quelqu’un qui voulait ouvrir un alpage numérique à Abidjan ?

Écrivez-nous via notre formulaire de contact ou en commentaires. On lit tout, surtout le contre-broutage.