Pontarlier â Le Haut-Doubs tremble. Pas Ă cause dâun sĂ©isme, ni mĂȘme dâun retour surprise de la neige en plein mois de juillet, mais bien dâun petit extrait vidĂ©o qui circule depuis ce matin sur les rĂ©seaux : une femme dâun certain Ăąge, micro sous le nez, dĂ©clare face camĂ©ra quâelle est favorable Ă la suppression de deux jours fĂ©riĂ©s⊠parce quâelle, elle en a dĂ©jĂ bien profitĂ© durant sa carriĂšre. OK Boomer !
La phrase, aussi candide que brutale, a dĂ©clenchĂ© une onde de choc digne de la fermeture dâun Super U un samedi Ă midi : « Moi jâen ai profitĂ© assez durant ma carriĂšre, donc je suis pas contre ».VoilĂ . Rideau. Fin des jours fĂ©riĂ©s pour les gĂ©nĂ©rations suivantes. Elle, câest bon, câest fait. Et les autres ? Quâils bossent.
 Dans cet article
đ§ La retraite, câest comme les ponts : ça ne se partage pas
Ce qui surprend ici, ce nâest pas tant le propos que sa tranquille indiffĂ©rence. Dans le Haut-Doubs, on connaĂźt la rigueur, on sait se serrer la ceinture, et on a vu pire quâun jeudi de lâAscension travaillĂ©. Mais il y a quelque chose dâun peu fort de cafĂ© (ou de chicorĂ©e Leroux, selon lâĂąge) Ă entendre une retraitĂ©e expliquer, en somme :
« Jâai eu des congĂ©s, jâai fait des ponts, jâai bronzĂ© Ă Palavas pendant que les gamins de maintenant se battaient avec Parcoursup â mais lĂ câest bon, faut que ça rapporte, alors coupez-leur ça. »
« Moi jâen ai profitĂ© assez durant ma carriĂšre, donc je suis pas contre »
Boomer, ou plutĂŽt boomeuse, random
Cette logique du « jâai eu, donc maintenant on coupe », appliquĂ©e au collectif, nous mĂšnerait droit Ă un pays sans maternitĂ© (les vieilles ont dĂ©jĂ accouchĂ©), sans crĂšche (les petits-enfants sont grands) et sans chauffage (les articulations des anciens nâen ont plus besoin). On imagine dĂ©jĂ les futures dĂ©clarations :
- « Jâai eu la sĂ©cu, donc on peut la fermer maintenant. »
- « Jâai connu lâĂ©poque des maisons pas chĂšres, donc faut que ça cesse. »
- « Jâai profitĂ© du plein-emploi, donc faut bien que les jeunes goĂ»tent un peu au chĂŽmage, eux aussi. »
đ Le boomer, ce nouveau gestionnaire de lâeffort national
En sâarrogeant le rĂŽle de conseiller budgĂ©taire de la Nation depuis son jardinet de Franche-ComtĂ©, la retraitĂ©e en question a lancĂ© une tendance. DâaprĂšs nos sources, plusieurs clubs de bridge de la rĂ©gion envisagent de produire des communiquĂ©s dâintĂ©rĂȘt fiscal, dans lesquels ils proposeront de supprimer :
- la cantine gratuite (trop de compotes gaspillées),
- les RTT (ils ne savent mĂȘme pas ce que câest),
- les congés paternité (jamais connu ça, et pourtant leurs enfants sont là ).
Certains proposent mĂȘme dâinstaurer un droit de regard rĂ©troactif sur la mĂ©tĂ©o : « Jâai connu des hivers, moi Madame ! Pas cette daube Ă +6°C ! » En clair : si les gĂ©nĂ©rations passĂ©es ont souffert, alors il est normal que les suivantes en bavent aussi. Câest le principe du partage intergĂ©nĂ©rationnel⊠inversĂ©.

đ„ Dans le Haut-Doubs, le concept ne passe pas crĂšme
Sur les hauteurs de Gilley, on a dĂ©jĂ eu du mal Ă avaler la rĂ©forme des retraites, alors la suppression des jours fĂ©riĂ©s⊠disons que ça coince. « On travaille pour financer les retraites de ceux qui veulent nous supprimer les jours fĂ©riĂ©s ? », sâĂ©trangle un boulanger de Morteau, entre deux fournĂ©es.
« Faut pas sâĂ©tonner si les jeunes font des burn-out Ă 27 ans. Ă ce rythme-lĂ , on va devoir fĂȘter NoĂ«l au bureau avec des PowerPoint. »
Ă Pontarlier, une association de travailleurs frontaliers prĂ©voit une action symbolique : traverser la frontiĂšre suisse⊠le 1er mai, mais sans sâarrĂȘter pour manifester. Juste pour montrer ce quâil reste quand on vide les calendriers.
đ§ź Un cas isolĂ© ? Ou la bande-annonce dâun avenir sans pont ?
Alors bien sĂ»r, certains diront que cette dame ne reprĂ©sente quâelle-mĂȘme. Mais son discours entre dans une logique plus large, celle dâun certain repli : « Jâai eu, jâai pris, je garde, et maintenant je ferme la porte derriĂšre moi. »
LâĂ©goĂŻsme nâest pas une invention nouvelle, mais Ă lâĂšre des retraites bien au chaud, il prend des formes de plus en plus rationnalisĂ©es : Ă©conomiques, budgĂ©taires, morales mĂȘme. Comme si lâinjustice sociale devenait une simple question dâĂ©quilibre comptable.
đŠ Pendant ce temps-lĂ âŠ
âŠun hĂ©risson traverse la D437 Ă hauteur de La Cluse-et-Mijoux, en pleine journĂ©e. Aucun jour fĂ©riĂ© pour lui, aucun pont, aucun compte Ă©pargne-temps. Juste une envie de traverser. Peut-ĂȘtre pour aller voir sâil reste encore un peu de solidaritĂ© de lâautre cĂŽtĂ©.
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