Morteau – Barbecue. Un mot qui sent bon l’étĂ©, la braise et la rivalitĂ© passive-agressive entre voisins.
Dans le Haut-Doubs, c’est plus qu’un simple mode de cuisson : c’est un mode de vie, une tradition, un terrain d’expérimentation où l’on réinvente la guerre froide à base de saucisse de Morteau grillée. À Morteau justement, mais aussi à Pontarlier, Les Fins ou Villers-le-Lac, le barbecue est un véritable rituel estival qui transforme n’importe quel jardin plat en arène semi-militaire.
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🍖 Un grésillement qui divise
Dans chaque lotissement du plateau, le barbecue est l’Ă©quivalent moderne du totem tribal. Et gare Ă celui qui ne s’équipe pas correctement. Weber, NapolĂ©on, Kamado, ou vieille grille Carrefour calĂ©e sur deux parpaings, le choix de l’équipement dĂ©termine immĂ©diatement votre caste sociale.
— « Ah bon, tu fais encore du charbon ? Nous on est passés au gaz. »
— « Tu l’as allumé avec quoi, ton feu ? Du gel allume-feu ? Ah ben bravo, ça va encore puer la chimie. »
đź”§ Techniques de cuisson : chacun sa guerre
C’est là que tout commence à déraper. Le Doubien ne cuit pas, il perfectionne. Certains déposent religieusement les saucisses, d’autres les jettent comme des grenades, d’autres encore instaurent un tour de rôle avec le minuteur du four à raclette. On frôle la crise diplomatique quand un invité ose poser une merguez sur l’étage supérieur sans consultation préalable.
Et attention aux hérissons. Oui, encore. Le nombre de barbecues interrompus par un hérisson curieux dépasse désormais les interventions des pompiers de Valdahon pour « odeur suspecte de merguez cramée ».
🪵 Une échelle sociale à charbon
Le barbecue est une occasion rêvée pour hiérarchiser les relations humaines. Celui qui invite, celui qui apporte sa salade piémontaise (industrielle, bien sûr), celui qui tourne les brochettes sans y être invité, celui qui boit sans jamais surveiller la cuisson. Tout ce petit monde fonctionne selon une mécanique invisible, mais bien huilée.
Et au centre : le maître des flammes. Souvent un oncle en short trop court, torse nu, lunettes de soleil Ray-Ban de 1998 vissées sur le nez. Il commande avec des phrases comme :
- « Retourne-moi ça, ça va coller. »
- « Passe-moi le torchon, pas celui-là , l’autre. »
- « Remets du charbon, mais pas trop. »

🧀 La légende du barbecue au Comté fondu
Personne ne sait exactement quand a eu lieu le premier « barbecue au Comté ». Mais tous se rappellent l’avoir vécu. Il s’agit d’un rite marginal, où l’on tente de faire fondre du Comté directement sur la grille, provoquant généralement une catastrophe gastronomique et un nettoyage de quatre heures le lendemain. Ce que les anthropologues appellent : le barbecue pénitentiel.
🍺 Bière tiède, salade douteuse, et bonheur total
Au final, peu importe que la viande soit trop cuite, que la mayo ait tourné ou que le pain soit dur comme le climat hivernal de Mouthe. Ce qui compte, c’est le bruit des guêpes, l’odeur de la sciure humide et cette certitude que tout recommencera demain, parce qu’il reste des chipolatas.
Alors non, les Doubistes ne prennent pas ça à la légère. Parce que dans le Haut-Doubs, faire un barbecue, c’est un peu comme voter : c’est un devoir civique. Avec une côtelette.
✉️ Votre expérience du barbecue
Vous avez assisté à un duel de barbecues dans votre quartier ? Votre oncle a inventé une méthode de cuisson au sèche-cheveux ? Écrivez-nous via notre formulaire de contact :
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