MOUTHE – Il pensait avoir tout vu, du kebab breton au sushi périgourdin en passant par la choucroute vegan. Mais Philippe Etchebest, le chef star de “Cauchemar en Cuisine”, ne s’attendait certainement pas à tomber sur un frigo comtois. Construction archaïque mais robuste en pierre, alimenté par la nappe phréatique du Doubs. Encore moins à ce que ce frigo soit… dehors, à l’ombre, entre la souche du vieux noyer et le tas de bois.
« Mais où est le frigo, enfin ?! » tonne Philippe Etchebest, les veines du cou en plein solo de cornemuse. Nous sommes à Mouthe, dans un établissement au nom prometteur : À la bonne température.
Il est 10h du matin, le tournage bat son plein, le chef est déjà monté trois fois au créneau contre une purée en flocon et une carte « trop longue, trop confuse, trop valaisanne ». Mais rien ne l’avait préparé à la scène qui allait suivre.
Je ne peux pas moderniser ce restaurant. Je ne peux même pas le chauffer. Le frigo est meilleur que le mien.
Philippe Etchebest
« Venez voir mon frigo »…
Face à la demande rituelle du chef Etchebest — « Ouvre ton frigo qu’on voit un peu ce que t’as là-d’dans » — le restaurateur, Fernand Beuque, 59 ans, Meuthiard de souche et de soue, sourit paisiblement. « Mon frigo, chef ? Par ici. » Et là, sans ciller, il pousse une lourde planche posée contre un muret moussu à l’arrière de la bâtisse.
Derrière : un trou dans la roche, un ruissellement discret, une caisse de lait, des meules de comté, deux truites, et un couvercle de cocotte remplie de mousse. Température ambiante : 6°C. Humidité relative : 112%. Regard du chef Etchebest : Erreur système. Reboot en cours.
Un écosystème alimentaire complet, en plein air
« Je mets la viande en haut, les fromages à mi-hauteur, le vin dans la petite anfractuosité à gauche, et les yaourts sur la pierre plate. Et quand ça gèle en hiver, je mets les glaces dehors directement, sur la pile de pneus. »
Le chef, interloqué, demande alors où sont les prises électriques. Fernand rigole. « Une prise électrique ? Mais pourquoi faire ? Pour chauffer mon frigo ? À Mouthe ? Vous êtes tombé sur la tête, mon pauvre. »
Etchebest tente de s’adapter
Dans un effort louable d’ouverture d’esprit, Philippe Etchebest demande à voir les normes sanitaires. Fernand s’exécute, sort un classeur plastifié contenant une attestation de température de l’air ambiant délivrée par la mairie, une photo du thermomètre local et une lettre de la grand-mère, affirmant sous serment avoir conservé du lait cru pendant trois étés consécutifs « sans un seul bout de moisissure suspecte ».
« C’est la tradition chez nous, Monsieur Etch’ », explique Fernand, en remettant en place un filet de canard confit dans une boîte de conserve calée entre deux pierres.
« Ici, le frigo c’est la terre. La congélation, c’est janvier. Le micro-ondes, c’est la cheminée. »
Le frigo comtois, une institution
Ce que Philippe Etchebest découvre à Mouthe n’est pas une anomalie. C’est un mode de vie. On parle ici du frigo comtois, ce concept ancestral mêlant géologie, instinct de survie et mépris total pour les promotions Boulanger.
Là où le reste de la France panique à l’idée d’une coupure d’électricité de 20 minutes, le Haut-Doubien se contente de creuser une niche dans le sol et d’y caler un rôti. Selon une étude jamais publiée de l’Université de Frasne-sur-l’Accordéon, 87% des habitants de Mouthe possèdent encore un garde-manger extérieur avec une planche à clous pour éloigner les fouines.

« Ici, le frigo c’est la terre. La congélation, c’est janvier. Le micro-ondes, c’est la cheminée. »
Fernand Beuque, 59 ans, chef de l’auberge À la bonne température à Mouthe
Reprise difficile pour le chef
Face caméra, la séquence est épique. Etchebest, casque d’hiver vissé sur le crâne, toque de travers, regarde Fernand sortir un parfait glacé au sapin conservé depuis trois semaines entre deux rondins de bois.
« Franchement… c’est bon, c’est propre, c’est frais… mais c’est pas possible ! », finit-il par admettre, la voix brisée par le choc thermique.
Un technicien de M6, pris de vertiges à cause du froid ambiant, a dû être évacué sous couverture de survie. Quant à l’assistante styliste, elle a glissé en marchant sur une plaque de verglas formée par condensation au-dessus du congélateur en plein air, alias « la dalle béton sous le cerisier ».
La leçon Meuthiarde
Au bout de trois jours d’immersion, Philippe Etchebest capitule : « Je ne peux pas moderniser ce restaurant. Je ne peux même pas le chauffer. Le frigo est meilleur que le mien. »
Le chef est reparti en laissant une toque d’or artisanale à Fernand, sculptée dans un reste de pain rassis durci au froid. En échange, le Meuthiard lui a offert un saucisson aux herbes conservé dans la grotte de la cascade, avec cette phrase restée dans les annales de l’émission :
« Ici, Monsieur Etchebest, quand ça dépasse 12 degrés, on appelle ça un coup de chaud. »
L’épisode devrait être diffusé à la rentrée, sous le titre : “Frigo comtois : cauchemar glacial à Mouthe”. À la production, on prévoit d’ores et déjà un spin-off hivernal, intitulé “Raclette en enfer”.
Soumis à l’épreuve du froid, de la rusticité et du saucisson fumé au bois de sapin, Philippe Etchebest aura appris une chose : à Mouthe, le cauchemar, c’est d’essayer d’allumer un frigo.
4 avis sur “Cauchemar en cuisine à Mouthe : un surprenant frigo comtois naturel piège Etchebest”