🩴 Sandales en montagne / Scandale en montagne : ces vacanciers qui osent encore venir dans le Haut-Doubs… en Birk

2ème épisode de notre magazine consacré aux vacances estivales.

Haut-Doubs – Ils débarquent chaque été, l’air léger, le mollet découvert, la démarche incertaine. On les reconnaît à leurs cris étouffés sur les sentiers, leurs orteils rougis par les cailloux, et surtout à ce détail vestimentaire devenu marque d’infamie locale : les sandales.

Venus de Lyon, Nancy ou du Val-de-Marne, ces estivants naïfs pensent qu’avec deux scratchs en plastique et une semelle douteuse, on peut affronter le Haut-Doubs. Grave erreur. Grave comme entorse, erreur comme ampoule.

La sandale : un affront culturel

« Ils croient qu’ils sont à la plage ! » s’indigne Lydie, 61 ans, de La Planée, tout en taillant ses géraniums d’un geste sec.

« Le gars il monte au Mont d’Or en Crocs, il glisse dans une bouse, il appelle l’hélico. Ben voilà. On l’avait dit. »

Car ici, la chaussure est une affaire sérieuse. Elle se juge à l’adhérence, au crampon, au vécu. Un bon soulier doit pouvoir affronter une montée en forêt, un troupeau récalcitrant et un retour de mariage sous la pluie.

Face à ça, la sandale fait sourire, au début. Puis elle fait pitié. Puis elle appelle les secours.

Météo : 8 mois d’hiver, 4 de déni

« Ils ont vu « été dans le Doubs », ils se sont dit short, T-shirt, tongs. Nous on leur dit juste : attention, y’a de la neige à la Croix de Châtel — c’est pas une blague. »

Le gérant d’un gîte de Goux-les-Usiers préfère rester anonyme, pour ne pas perdre ses étoiles Booking, mais il en voit passer tous les ans : des familles hagardes, grelottant en bermuda devant la cheminée.

Les pires, ce sont ceux qui persistent. Qui, malgré la bruine, les 13 degrés et les orages surprises, gardent leurs sandales « parce que c’est pratique ». L’an dernier, un Parisien a tenté le saut de la source du Doubs en claquettes Adidas. Il est reparti avec trois points de suture et un nouveau respect pour la géographie comtoise.

« Le gars il monte au Mont d’Or en Crocs, il glisse dans une bouse, il appelle l’hélico. Ben voilà. On l’avait dit. »

Lydie, 61 ans, de La Planée

Une autre fois, un couple venu de Montélimar a tenté le sentier des Bornes à pied nu « pour l’expérience ». Ils ont fini Au Magasin de Labergement pour acheter des chaussettes, des pansements, et un sens à leur vie.

La réaction des autochtones : oscillation entre moquerie et pitié

À Métabief, une pancarte a été apposée devant une boutique de location de raquettes : « Sandales interdites. Pour votre bien. Et le nôtre. »

Le ton est doux, presque bienveillant. Mais le regard des Doubistes, lui, est acéré. Surtout dans les villages où l’on juge un homme à la semelle.

« Quand tu vois un gars en sandales dans une fromagerie, tu sais qu’il va poser des questions stupides. Genre : est-ce que le Comté est vegan ? » confie un fromager fatigué de Malbuisson.

Un touriste sur un chemin local caillouteux, en sandales

De la sandale à la semelle de plomb

Parfois, les vacanciers s’adaptent. Ils découvrent le chausson de rando, la socquette respirante, le bonheur simple d’un pied au sec. Parfois, ils renoncent et restent au bord du lac, enroulés dans leur serviette, le regard vide, marmonnant « on reviendra dans le Vercors ».

Mais certains reviennent l’année suivante, plus sages. Ils ont troqué leurs sandales pour des chaussures de marche, leurs shorts pour un pantalon technique, et leur air supérieur pour une humilité prudente. On les appelle ici les « repentis de la sandale ». Ils sont rares, mais ils existent.

Un patrimoine en péril : les pieds des touristes

Dans le Haut-Doubs, l’été n’est pas une promenade pieds nus dans un champ de marguerites. C’est une épreuve, une sélection naturelle, une mise à l’épreuve du tendon d’Achille.

Alors aux vacanciers qui lisent ceci : écoutez les anciens. Observez les locaux. Rangez vos sandales. Laissez vos Birkenstock à Biarritz. Ici, le seul cuir qu’on respecte, c’est celui du sabot de bois.

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