đŸ”„ Granges en feu, campagnes en larmes : dans le Haut-Doubs, nos agriculteurs au front contre l’étĂ©

Haut-Doubs – Dans le Haut-Doubs, quand le foin s’échauffe, ce ne sont pas que les bottes qui prennent feu. Ce sont des vies entiĂšres, des saisons de travail, des hivers prĂ©parĂ©s dans la sueur de juin, qui partent en fumĂ©e. Alors que les tempĂ©ratures s’emballent, les granges, elles, s’enflamment. Pas par imprudence. Par fatalitĂ©.

Depuis le dĂ©but de l’étĂ©, les incendies de fourrage se succĂšdent. À Chaffois, Bians, Arc-sous-Cicon ou Les AlliĂ©s, c’est le mĂȘme scĂ©nario : des bottes rentrĂ©es Ă  la hĂąte, un pic de chaleur, un dĂ©gagement gazeux Ă  peine perceptible
 et soudain, un brasier. Une chaleur invisible, insidieuse, qui ne laisse derriĂšre elle que poutres noircies et regards abasourdis.

Auto-combustion, stress permanent

Le phĂ©nomĂšne est connu : l’auto-Ă©chauffement du foin mal ventilĂ©, qui monte lentement en tempĂ©rature jusqu’à s’enflammer de lui-mĂȘme. Rien de nouveau, mais cette annĂ©e, la frĂ©quence fait peur. Les pompiers de Pontarlier, Morteau et Valdahon sont sur le pont, appelĂ©s parfois plusieurs fois par semaine. Et quand la sirĂšne retentit dans la vallĂ©e, tout le monde sait que ce ne sera pas une cheminĂ©e mal ramonĂ©e.

Mais ce qui brĂ»le le plus, ce ne sont pas les charpentes. C’est le moral des agriculteurs.

Un été de trop

Jean-Michel, Ă©leveur Ă  Montperreux, a vu partir 250 bottes de foin et la moitiĂ© de son matĂ©riel. « J’ai mĂȘme pas eu le temps de crier. On a appelĂ© les pompiers, mais Ă  l’arrivĂ©e, y’avait plus rien Ă  sauver. C’est comme si on m’avait coupĂ© l’annĂ©e en deux. » Il n’a pas dormi depuis deux jours. Et il ne se plaint pas. Il constate.

Car c’est bien lĂ  tout le drame : les exploitants encaissent. Encore. Comme ils ont encaissĂ© la sĂ©cheresse, la hausse du gasoil, la paperasse de la PAC. Sauf que cette fois, c’est le feu lui-mĂȘme qui vient leur chercher noise.

Et pendant que ça brĂ»le dans les granges, dans certaines administrations, on tergiverse. Peut-on dĂ©clencher le rĂ©gime des calamitĂ©s agricoles pour des sinistres « spontanĂ©s » ? Faut-il une dĂ©claration prĂ©fectorale ou un simple constat d’assurance ? Et surtout, qui rembourse la sueur ?

Illustration de 3 pompiers luttant contre un feu de grange

De la cendre et du courage

Dans nos campagnes, le silence se fait aprĂšs les flammes. Puis viennent les tracteurs des voisins, les remorques qu’on prĂȘte, les vaches qu’on hĂ©berge. L’entraide, ici, n’est pas un vain mot. Elle est le dernier rempart contre l’effondrement.

« J’ai mĂȘme pas eu le temps de crier. On a appelĂ© les pompiers, mais Ă  l’arrivĂ©e, y’avait plus rien Ă  sauver. C’est comme si on m’avait coupĂ© l’annĂ©e en deux. »

Jean-Michel, éleveur à Montperreux

À Gilley, un agriculteur sinistrĂ© a reçu du foin d’un confrĂšre de Boujeons. À Frasne, un entrepreneur agricole a offert la remise en Ă©tat de l’aire de stockage. À Oye-et-Pallet, c’est la coopĂ©rative qui a rĂ©organisĂ© les livraisons de paille. Pas besoin de communiquĂ© de presse, ni de subvention. Juste des gestes simples, entre gens qui se comprennent.

Foin maudit, systĂšme Ă  bout

Alors que faire ? Les experts conseillent des sondes thermiques, des ventilateurs automatiques, du sĂ©chage en grange
 Mais encore faut-il avoir les moyens. Dans une filiĂšre oĂč les prix sont tirĂ©s vers le bas, oĂč l’on rogne sur chaque centime, difficile d’investir pour Ă©viter l’imprĂ©visible.

Et pendant ce temps, les assureurs haussent les franchises, les normes se multiplient, et les discours officiels parlent de “rĂ©silience“. Comme si le mot suffisait Ă  compenser les pertes.

Illustration d'un agriculteur qui constate, dépité, le feu dévorer le foin de sa grange

Nos agriculteurs méritent mieux que des cendres

Il est temps qu’on le dise : nos agriculteurs ne sont pas seulement les garants d’un terroir ou d’un paysage de carte postale. Ce sont des hommes et des femmes qui nourrissent le pays, entretiennent les terres, vivent au rythme des saisons, prennent les coups que le ciel, l’État, l’Europe, ou le marchĂ© leur envoient. Et qui, malgrĂ© tout, continuent de se lever Ă  cinq heures pour aller traire, mĂȘme avec les bottes encore pleines de suie.

Le feu qui consume les granges n’est pas qu’un accident. Il est le rĂ©vĂ©lateur d’un systĂšme agricole Ă  bout de souffle, laissĂ© seul face aux dĂ©rĂšglements.

Alors oui, dans le Haut-Doubs, le foin prend feu. Mais pas le courage.

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