La Cluse-et-Mijoux, mardi 1er juillet – Il était 16h02 lorsque le drame logistique s’est noué dans notre paisible commune à cheval entre le Château de Joux et la RN57 : le passage à niveau n°11, celui que tout Doubien qui se respecte franchit en pestant, a soudainement décidé de tirer sa révérence. Barrières baissées, alarmes hurlantes, feux rouges clignotants de vaillance : un dispositif digne de Fort Knox, mais sans train en vue. La SNCF affirme qu’il s’agit d’une « panne technique momentanée ». Comprendre : personne ne sait pourquoi ça ne marche plus, mais surtout, personne ne sait quand ça va remarcher.
Pendant ce temps, la vie s’est arrêtée dans les deux sens. Littéralement.
Passage à niveau fermé : frontaliers arrêtés
La file de voitures a gonflé plus vite qu’une meule de Comté sous vide. En à peine dix minutes, on comptait déjà un bouchon digne d’un chassé-croisé estival sur l’A7, mais version Haut-Doubs : des Renault Kangoo, des Peugeot Partner d’artisans pressés, deux tracteurs Claas, un bus scolaire à vide (heureusement), une 206 tunée qui diffusait du Jul, et, dans la confusion générale, une dame en Clio qui pensait être à Pontarlier et demandait si c’était encore la Suisse. On lui a répondu que non, mais que vu l’état du trafic, elle y serait peut-être avant minuit. À pied.
« Vous vous prenez pour James Bond ou quoi ?! »
Un retraité en gilet fluo
Du côté des piétons, c’est la stupeur. Une joggeuse, visiblement exténuée, s’est arrêtée net devant les barrières et s’est mise à prier pour un lever de rideau salvateur. Un cycliste, lui, a tenté le passage en contournant les barrières au péril de sa vie, sous les cris indignés d’un retraité en gilet fluo : « Vous vous prenez pour James Bond ou quoi ?! »
Les forces de l’ordre à la rescousse
La gendarmerie de Pontarlier a été alertée à 16h08. Arrivée sur les lieux à 16h23, l’unité s’est contentée de regarder les barrières, puis de consulter son application SNCF Connect, qui indiquait… « service momentanément indisponible ». On n’en saura pas plus.
À 16h45, la mairie de La Cluse-et-Mijoux a posté un message sur Facebook pour informer la population que « le passage à niveau est actuellement indisponible » (merci), qu’« une solution est à l’étude » (probablement divine), et que « les services compétents sont en cours de mobilisation ». Traduction : personne n’est joignable, et surtout pas après 16h30.
À 17h12, soit plus d’une heure après le début des hostilités, une camionnette SNCF a enfin été aperçue dans les lacets du Larmont, probablement ralentie par une pause flan au café du Château. Trois agents en sont descendus, l’un armé d’un tournevis, les deux autres d’un air dubitatif. Après avoir inspecté l’armoire électrique, ils ont conclu à un « faux contact » (ce grand mystère gaulois) et suggéré un « redémarrage manuel ». Traduction : taper dessus et voir ce qu’il se passe.
À 17h26, dans un élan presque mystique, les barrières se sont enfin levées, provoquant un concert de klaxons et de soupirs. Le trafic s’est écoulé lentement, laissant derrière lui une traînée d’odeur de gasoil, de frustration et de pain d’épices écrasé (un accident tragique impliquant une Twingo et un sac de courses de la boulangerie Rognon).
« Non, c’est juste la France. Et pas n’importe laquelle ; la France du général de Gaulle. »
Un automobiliste random
Passage à niveau bloqué : un bon prétexte pour râler
Dans la foule, un jeune homme au regard noir a lancé : « C’est un coup des Suisses, ça, pour nous ralentir dans la conquête des emplois frontaliers ! » Théorie rapidement balayée par un autre automobiliste, plus terre-à-terre : « Non, c’est juste la France. Et pas n’importe laquelle ; la France du général de Gaulle. » On appréciera la concision de l’analyse et l’omniprésence du thème agent secret autour de l’incident.
Ce nouveau désagrément remet une fois encore sur le devant de la scène le passage à niveau de La Cluse, qui n’en est pas à sa première frasque. En janvier dernier, déjà, un chasse-neige avait dû faire demi-tour après avoir attendu dix minutes face à une barrière baissée sans raison. En 2022, un train touristique suisse avait refusé le passage à cause d’un dysfonctionnement du feu orange. Et en 2019, un hérisson avait été considéré comme « élément perturbateur » sur la voie, entraînant la fermeture du passage pour une heure et quart.

Dans les cafés de Pontarlier, on ironise déjà : « Encore un sabotage de la Barrière de Corail. » D’autres y voient un clin d’œil du destin : « C’est pour que les gens s’arrêtent admirer le château. » Certains parlent même de malédiction. Mais la vérité est peut-être plus simple : le passage à niveau de La Cluse-et-Mijoux est le parfait résumé de notre époque. Un système complexe, contrôlé à distance, censé fluidifier le monde, qui plante au moindre grain de sable. Et pendant que les gens attendent, personne ne sait qui doit faire quoi.
À 18h15, les automobilistes ayant survécu à l’épreuve étaient unanimes : « On passera par Oye-et-Pallet la prochaine fois. » Mais ce qu’ils ne savent pas encore, c’est que le feu tricolore du rond-point du cimetière est lui aussi en grève depuis ce matin.
Ha ha , un bel article, très drôle et admirablement bien écrit.
Avant de dire n importe quoi , il faut se renseigner, les agents sncf sont arrivés sur les lieux bien avant à 16h25, les barrières se sont levées a 16h30, de plus les agents sont arrivés depuis Pontarlier! Et surtout les composants techniques de la voie souffrent comme vous de la chaleur!
Mr Paul Émile arrêté de raconter n importe quoi en ligne quand vous ne connaissez les infos. A bon entendeur
Merci pour ces précisions techniques, toujours utiles pour remettre un peu de sérieux dans un monde qui en manque cruellement — surtout sur les routes bloquées. Il est vrai que la chaleur affecte tout le monde, même les composants de voie, et parfois aussi les lecteurs de second degré 😉.
Au plaisir d’échanger avec vous… sans barrières !
D’ailleurs, hier on lisait ça chez OR :
https://x.com/Florian_rg/status/1939709373019783518 et ça https://x.com/BB27000/status/1939732599959695866 entre autres
J adore l humour enfin une personne sait se moquer du monde sans crier merci
J’adore cette article cela me donne envie d’en relire d’autre du même style
bravo à l’auteur
Merci. Rassurez-vous : Paul et Djäysonne sont au taquet pour d’autres aventures passionnantes made in Haut-Doubs !
C est la première fois de ma vie (déjà avancée) que je ris en lisant un article de l’ER. Humour et 2ème degré ne sont pas à la portée de tout le monde mais peu porte : quelle que soit l’heure à laquelle l’équipe SNCF est arrivée sur les lieux, j ai éclaté de rire joyeusement à 9h08 ce matin !!
Alors le truc, c’est que justement nous on n’est pas l’ER, mais l’OR 😂
Tant mieux si ca vous plaît en tout cas !
super!! j’en veux encore des analyses avec humour!