Par notre envoyĂ© spĂ©cial frigorifiĂ© Ă Mouthe â Ouest RĂ©publicain
MOUTHE â Haut-Doubs. Vivre avec la chaleur (et surtout n’oubliez pas le « Point FR »). Le gouvernement a lancĂ© en fanfare un site flambant neuf intitulĂ© vivreaveclachaleur.fr, Ă grand coups de gaspillage d’argent public. Une plateforme officielle qui vous explique comment survivre Ă lâĂ©tĂ© comme sâil sâagissait dâun cataclysme biblique, vous recommandant de boire de lâeau (dingue), de rester Ă lâombre (incroyable), et de ne pas courir un marathon Ă midi (rĂ©vĂ©lation). Mais ici, dans le Haut-Doubs, et plus prĂ©cisĂ©ment Ă Mouthe, la commune la plus froide de France, lâidĂ©e mĂȘme de « vivre avec la chaleur » provoque un rictus glacial. Voire une hypothermie de lâĂąme.

Car pendant que la France sâinquiĂšte de ses thermomĂštres qui flirtent avec les 30 degrĂ©s, Ă Mouthe, on sort encore les pulls Ă col roulĂ© dĂ©but juin, et les glaçons ne fondent jamais vraiment. Ici, lâĂ©tĂ© dure trois jours, dont deux sont pluvieux. Et quand le soleil daigne se montrer, on le regarde comme un phĂ©nomĂšne paranormal, entre lâapparition mariale et la faille spatio-temporelle.
âïž Le congĂ©lateur national
On ne surnomme pas Mouthe « la petite SibĂ©rie » pour rien. Avec des records flirtant avec les -36°C en hiver, on y apprend dĂšs le berceau que la chaleur est un mythe inventĂ© par les gens du Sud pour vendre de la crĂšme solaire. Quand dâautres villages font des canicules des sujets de prĂ©occupation, ici, on sâinquiĂšte plutĂŽt de la fonte prĂ©maturĂ©e de la neige en avril. Alors forcĂ©ment, quand un site public vous explique que « boire rĂ©guliĂšrement de lâeau » est un geste de survie, on rit doucement dans sa chapka.
Le Haut-Doubs a bĂąti toute sa culture sur le froid : les tuyĂ©s, les salaisons, le vin jaune conservĂ© dans des caves Ă tempĂ©rature de cryogĂ©nisation, et le ComtĂ© affinĂ© Ă lâombre dâun clocher givrĂ©. La chaleur ? Elle fait transpirer le saucisson et tourner la raclette. Impardonnable.
đ§ Le Haut-Doubs, Ă©cole de survie inverse
Pendant que les influenceurs dâInstagram donnent des conseils pour « rester stylĂ© Ă 35°C », le Haut-Doubs forme les gĂ©nĂ©rations futures Ă survivre Ă des tempĂ©ratures nĂ©gatives avec un seul tison dans la cheminĂ©e et un reste de cancoillotte solidifiĂ©e.
Ici, les anciens n’ont pas besoin de fiches pratiques pour savoir comment gĂ©rer les saisons : ils sentent dans leur genou droit si la neige tombera avant ou aprĂšs la Toussaint. LâidĂ©e dâun tutoriel en ligne pour « Ă©viter lâexposition prolongĂ©e au soleil » nous ferait presque oublier que le seul coup de chaud local en 2024, câĂ©tait quand le curĂ© a mis du vin chaud trop prĂšs du poĂȘle.
âïž Lâinvasion thermique : vivre avec la chaleur, vraiment ?
Mais voilĂ que Paris sâen mĂȘle et veut nous « Ă©duquer » Ă la chaleur. On nous parle de changements climatiques, de vagues caniculaires, dâadaptation. TrĂšs bien. Mais quâon nous laisse dâabord vivre avec la vraie menace : les moustiques du Jura qui remontent depuis les Dombes. LĂ est le vrai combat. Quâon nous envoie des filets, pas des infographies en bande dessinĂ©e.
Et sâil fait effectivement 27°C un jour dâaoĂ»t (record absolu), les Meuthiards sortent le Pont⊠avant que lâorage du soir ne vienne tout remettre Ă zĂ©ro.
đ„ Et si on lançait vivreaveclefroid.fr ?
Alors Ă lâheure oĂč lâĂtat dĂ©pense des fortunes pour expliquer Ă la population quâil ne faut pas porter un pull en plein cagnard, le Haut-Doubs propose une alternative : un site intitulĂ© vivreavecLEFROID.fr. Au programme : « Comment dĂ©neiger son perron avec dignitĂ© », « Survivre Ă -20°C avec une cafetiĂšre italienne », et « Fabriquer un igloo parental pour isolement thermique et moral ».
à chacun ses priorités.
MoralitĂ© ? Ă Mouthe, on ne vit pas avec la chaleur. On la tolĂšre trois heures par an, entre 15h et 18h, autour du 14 juillet, et encore, seulement si le vent vient du sud. Alors votre site, merci bien. Mais ici, on continue de chauffer les cĆurs avec du bois, du vin chaud et la tendresse froide des gens de montagne.
Propos plein de sagesse d’un membre du Conseil municipal de Mouthe, qui souhaite garder l’anonymat (enjeu Ă©lectoral de premier plan oblige)