đŸȘ– Appel du 18 juin – Version intĂ©grale, dite « du Haut-Doubs libre »

Pontarlier – PrononcĂ© sur un tonneau vide dans une cave de Frasne, retranscrit par un facteur patriote, puis diffusĂ© en douce entre deux annonces mortuaires du journal local : l’Appel du 18 juin.


Francs-Comtois, patriotes des hauts plateaux, résistants de la premiÚre heure, amis des cloches et ennemis des bottes :

La France a perdu une bataille. Une vilaine, une rude. Une bataille qui pique, qui cogne, qui fait grincer les dents et pleurer dans les chaumiĂšres. Une bataille qui a vu nos villes tomber, nos chefs se coucher et nos frontiĂšres se tordre comme des rubans trop tendus.

Mais la France, mes amis, la France n’a pas perdu la guerre. Et certainement pas tant que le Haut-Doubs respire, tant que la saucisse fume et que le comtĂ© s’affine.

Pendant que certains s’affalent à Vichy dans des fauteuils en velours pour signer des papiers honteux avec des mines de notaires tristes, ici, chez nous, on serre la mñchoire. On remonte les manches, on dissimule les fusils de chasse dans les greniers et on taille des semelles dans du vieux pneu pour arpenter les sentiers du maquis.

Car oui, la guerre continue. Elle ne se gagne pas à coups de décrets ni de poignées de main molles sous des lustres dorés. Elle se gagne dans les sapiniÚres, dans les fermes isolées, dans les regards obstinés de ceux qui refusent de plier.

Moi, Charles de Gaulle, gĂ©nĂ©ral de la France libre, pas libre de tout, mais libre quand mĂȘme, j’en appelle Ă  vous : montagnards, campagnards, boulangers de Montperreux, cantonniers de Gilley, fromagers de Levier, vieilles de Charquemont et jeunes tĂȘtes de Vercel ! La patrie a besoin de vous.

Moi, Charles de Gaulle, gĂ©nĂ©ral de la France libre, pas libre de tout, mais libre quand mĂȘme, j’en appelle Ă  vous

Car pendant que l’ennemi avance, triomphe, parade, dĂ©file et parfois mĂȘme salue poliment, une autre force se lĂšve. Silencieuse, obstinĂ©e, enracinĂ©e dans les terres froides et les traditions rugueuses. Cette force, c’est vous. C’est nous.

Vous croyez que tout est perdu ? Que la RĂ©publique s’est noyĂ©e dans la loue ? Que la libertĂ© a pris le train pour Lausanne ? Allons donc ! Le sang franc-comtois ne se refroidit pas si vite. Il fume, il bout, il gronde comme les chaudiĂšres du Risoux. Et il est prĂȘt.

PrĂȘt Ă  se lever, prĂȘt Ă  lutter, prĂȘt Ă  rappeler Ă  l’envahisseur que nous ne sommes pas faits de la mĂȘme pĂąte que les capitulards. Non. Nous sommes faits de bois dur, de pierre froide et de lait cru.

Ne vous laissez pas abattre par les nouvelles. Ne croyez pas les bulletins larmoyants et les journaux au rabais. Il y a, quelque part, une France qui n’a pas signĂ©. Une France qui n’a pas baissĂ© la tĂȘte. Une France qui, mĂȘme au fond d’une cave, reste debout.

Cette France, vous la trouverez dans les sentiers forestiers, dans les maisons aux volets fermĂ©s, dans les bistrots oĂč l’on parle bas mais oĂč l’on pense fort. Elle parle avec l’accent du Haut, elle fume la pipe et elle n’a pas dit son dernier mot.

Vous qui Ă©coutez ce message, au fond de la vallĂ©e de la Loue ou sur les hauteurs de MĂ©tabief, sachez-le : vous n’ĂȘtes pas seuls. À Londres, Ă  Alger, Ă  Saint-Claude et mĂȘme Ă  Pontarlier, des cƓurs battent pour la mĂȘme cause.

Vive la République ! Vive le Haut-Doubs libre ! Vive la France éternelle, rùpeuse, indomptable, et rebelle !

Nous n’avons pas d’avions. Pas encore. Nous n’avons pas de tanks, de radios, ni de jolis uniformes tout neufs. Mais nous avons mieux : le courage. Le bon sens. Et la mĂ©moire de nos aĂŻeux qui, dĂ©jĂ , s’étaient dressĂ©s contre l’oppression.

Je vous le dis avec la solennitĂ© d’un homme qui n’a plus rien Ă  vendre, mais tout Ă  transmettre : il faut refuser l’abaissement. Refuser la soumission. Refuser de se faire confisquer son pays comme on vous volerait un vĂ©lo mal cadenassĂ© devant la poste.

Il ne s’agit pas d’hĂ©roĂŻsme. Il s’agit de dignitĂ©. D’un devoir Ă©lĂ©mentaire envers nos enfants, nos morts, nos vaches, et nos valeurs.

Si vous avez une paire de chaussures, mettez-les. Si vous avez une bicyclette, enfourchez-la. Si vous avez une fourche, cachez-la sous le lit. Si vous avez un fusil, graissez-le. Et si vous n’avez rien, vous avez encore votre cƓur. Et c’est dĂ©jĂ  beaucoup.

Reconstitution : DjaĂżsonne captant l'Appel du 18 juin sur sa TSF
Reconstitution : DjaĂżsonne captant l’Appel du 18 juin sur sa TSF, 18 juin 2025, colorisĂ©.

Formez des groupes. Faites circuler les messages. Imprimez des tracts Ă  la main s’il le faut. Écoutez la BBC, retransmettez, traduisez, exagĂ©rez mĂȘme si nĂ©cessaire. L’important, c’est que la flamme ne s’éteigne pas.

Je vous le dis : les AlliĂ©s viendront. Un jour, peut-ĂȘtre bientĂŽt, peut-ĂȘtre plus tard, mais ils viendront. Et ce jour-lĂ , il faudra ĂȘtre lĂ . PrĂȘts. Nombreux. OrganisĂ©s. Et furieusement francs-comtois.

On vous dira que tout est fichu. Que c’est pliĂ©. Que l’ordre rĂšgne. Mais ce n’est pas un ordre, c’est une camisole. Et nous, on taille les manches.

Le Haut-Doubs ne mourra pas à genoux. Il vivra debout, avec les sabots crottés, le regard fier, et les mains dans la pùte à pain.

La route sera longue. Elle grimpera, comme celle du col de la République. Mais au bout, il y a la lumiÚre. Il y a la justice. Il y a la France.

Et cette France, camarades, ce n’est pas celle des salons ni des signatures. C’est celle des bourbiers, des pierres et des chants au fond des bois.

Alors levons-nous. Levons-nous comme un seul homme. Levons-nous comme un Haut-Doubs de granit. Car tant qu’un seul d’entre nous rĂ©siste, la France vit.

Vive la République ! Vive le Haut-Doubs libre ! Vive la France éternelle, rùpeuse, indomptable, et rebelle !


Message captĂ© par @dls par une antenne bricolĂ©e sur une grange de Sombacour, diffusĂ© sous le manteau, glissĂ© entre deux pages d’un vieux dictionnaire Larousse et une boĂźte de conserve.

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