Par DjĂ€ysonne (stagiaire, en bottes) et la rĂ©daction de lâOuest RĂ©publicain
Morteau – Ils sont une poignĂ©e, mais ils meuglent fort. Ce samedi Ă la sortie de Morteau, entre deux lacets enneigĂ©s, une centaine de vaches accompagnaient en silence leur propriĂ©taire, pancarte au licol : « Lait en colĂšre ». Une manifestation agricole ? Oui. Une renaissance symbolique ? Aussi. Car dans le Haut-Doubs, la vache revient au cĆur du dĂ©bat politique. LittĂ©ralement.
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Dans les annĂ©es 1970, les bovins Ă©taient encore cantonnĂ©es Ă leur rĂŽle de machines Ă fromages. Aujourdâhui, elles sont devenues les Marianne des prĂ©s. « On nâest plus Ă©coutĂ©s, sauf quand on fait du bruit. Alors on amĂšne nos meuhs », explique GĂ©rard Lanchon, Ă©leveur Ă Arc-sous-Cicon et poĂšte pamphlĂ©taire amateur. Il a mĂȘme montĂ© un collectif : la CGVB, ConfĂ©dĂ©ration GĂ©nĂ©rale des Vaches Bovines. « CGVB, ça sonne sĂ©rieux », glisse-t-il.
La vache, le gilet jaune du Haut-Doubs
La manifestation bovine de mars dernier Ă Villers-le-Lac, avec 14 montbĂ©liardes bloquant le rond-point du Super U, a marquĂ© les esprits. Lâune dâelles, affectueusement surnommĂ©e Roselyne la RĂ©sistante, a tenu 9 heures sans bouger, museau pointĂ© vers le drapeau. La prĂ©fecture a tentĂ© dâouvrir un dialogue, sans rĂ©ponse. « Les bovidĂ©s ne parlent pas », a rĂ©sumĂ© un conseiller, avant dâajouter, « mais elles votent avec leurs sabots. »

Le phĂ©nomĂšne ne s’arrĂȘte pas aux champs. Ă Grand’Combe-des-Bois, une liste municipale satirique nommĂ©e « Un PrĂ© Pour Tous » sâest prĂ©sentĂ©e en 2024, menĂ©e par un Ă©leveur et sept gĂ©nisses en photo de campagne. Le programme : tonte hebdomadaire des pelouses communales par pĂąturage, crĂ©ation dâun collĂšge ruminant, et remplacement du klaxon de la benne Ă ordures par un meuglement enregistrĂ©. RĂ©sultat : 12 % au premier tour.

La justice s’en mĂȘle
En septembre dernier, un procĂšs inhabituel a eu lieu Ă MaĂźche. Un habitant poursuivait un Ă©leveur pour âabus Ă la libertĂ© de circuler sur sa pelouse fraĂźchement semĂ©eâ, aprĂšs le passage accidentel de trois bovins contestataires. Le juge a tranchĂ© avec philosophie : « Entre une pelouse et une vache, la rĂ©publique choisit le fromage. »
Chez les antispĂ©cistes, la sauce ne prend pas. Le collectif « Morteau sans museliĂšre » dĂ©nonce une instrumentalisation politique des ruminants. « On veut des laitiĂšres libres, pas des bovins militants », prĂ©cise leur porte-parole, qui sâexprime uniquement en chantant des gĂ©nĂ©riques de dessins animĂ©s.
« Entre une pelouse et une vache, la république choisit le fromage. »
Tribunal judiciaire de Maßche (qui se tient dans une étable)
Certains mouvements plus radicaux commencent Ă Ă©merger. Ă GrandâCombe-ChĂąteleu, une cellule de jeunes Ă©leveurs projette dâorganiser une nuit des meuhs avec occupation du rond-point et diffusion de meuglements enregistrĂ©s. La gendarmerie, dĂ©passĂ©e, prĂ©voit dĂ©jĂ de mobiliser les renforts du Jura voisin, spĂ©cialisĂ©s en nĂ©gociation bovine.
Vers une extension du mouvement
Le monde politique tremble : aprĂšs la vache, la chĂšvre pourrait entrer en scĂšne. DĂ©jĂ Ă Fournet-Blancheroche, un petit groupe dâovins a Ă©tĂ© aperçu portant des banderoles (« Tondus mais pas soumis »). La contagion pastorale semble en marche.
DjĂ€ysonne, notre stagiaire aux bottes crottĂ©es et au calepin trempĂ©, a recueilli ce mot de la fin auprĂšs dâune vache anonyme du Saugeais : « Meuh. » Traduction libre : « Ceci nâest que le dĂ©but. »